Après avoir résolu le crime de l’Orient-Express, Kenneth Branagh enfile à nouveau le costume d’Hercule Poirot pour résoudre un meurtre sur une croisière égyptienne. Glamour, suspense et une touche d’humour : la recette est simple mais efficace.
Agatha Christie pourra-t-elle jamais être passée de mode ? Quand le succès d’un film comme Knives Out (Rian Johnson, 2018) – dont la suite, tournée à l’été 2021, est attendue pour cette année sur Netflix – fait écho à une passion effrénée pour les histoires de meurtres à résoudre et les podcasts, séries et documentaires de «true crimes» qui ne cessent de se multiplier, il semble que la recette mise en place par l’écrivaine anglaise il y a un siècle ne soit pas près de tourner à vide.
Classiques de la littérature désormais étudiés à l’école, les romans d’Agatha Christie n’ont pourtant plus beaucoup de secrets à révéler. Pour porter à l’écran Murder on the Orient Express (2017), Kenneth Branagh a donc misé sur deux éléments fondamentaux afin de détourner le regard du spectateur, dans la grande tradition d’Agatha Christie : le glamour, avec une distribution qui comprend Daisy Ridley, Johnny Depp ou encore Penélope Cruz (pour ne citer qu’eux), et une réappropriation toute particulière du personnage d’Hercule Poirot, à commencer par de somptueuses bacchantes.
Alors que dans la bibliographie d’Agatha Christie, trois ans et cinq enquêtes séparent Le Crime de l’Orient-Express (1934) de Mort sur le Nil (1937), la nouvelle adaptation du dernier a été conçue comme une suite directe au précédent film de Kenneth Branagh.
Le détective belge souhaite donc reposer ses cellules grises et part prendre du bon temps en Égypte. Dans le même hôtel, un couple, Simon Doyle (Armie Hammer) et Linnet Ridgeway (Gal Gadot), célèbrent leurs noces, entourés de leur groupe d’amis, dont Poirot fait bientôt partie.
Quand celui-ci est invité à poursuivre le voyage avec eux sur un bateau à vapeur, il a raison de ne pas y avoir vu qu’une simple invitation : une personne sera assassinée et Hercule Poirot va devoir démêler le vrai du faux, alors que tous les alibis n’effacent pas la rancœur de chacun contre la victime.
Approfondir le personnage
Si les deux enquêtes fonctionnent si bien ensemble, c’est parce qu’ils peuvent composer un diptyque qui appelle irrémédiablement aux castings quatre étoiles et aux décors somptueux, comme ce fut le cas pour Murder on the Orient Express version Sidney Lumet (1974), avec Ingrid Bergman, Lauren Bacall, Sean Connery et Vanessa Redgrave, puis le Death on the Nile (John Guillermin, 1978) qui a vu Peter Ustinov endosser pour la première fois le costume du détective.
En faisant de la version 2022 une suite directe de la précédente enquête de Poirot, Kenneth Branagh voit aussi l’occasion d’approfondir le fascinant personnage qu’il incarne également à l’écran.
C’est un film très sombre, très sexy, déconcertant
Ainsi, le film s’ouvre dans les tranchées belges et dévoile l’origine de sa fameuse moustache, qu’il fait pousser pour cacher une cicatrice. Plus que ça, il donne des indices sur le passé amoureux du héros, passé qui lui reviendra en pleine face lorsque son esprit de déduction le mettra sur la piste de l’amour comme motivation du meurtre.
«Agatha Christie croyait vraiment en ce qu’elle écrivait. Je crois que (le roman) est né de son expérience personnelle des relations amoureuses difficiles (…) Dans le livre, Poirot dit que dans toute relation, l’un des deux aime l’autre trop fort, et cela peut être terriblement douloureux. L’amour n’est pas une chose sûre, elle ne l’est certainement pas dans cette version», expliquait le réalisateur et acteur au micro du podcast The Fourth Wall.
L’Égypte à Londres
«C’est un film très sombre, très sexy, déconcertant», a ajouté Kenneth Branagh, dont le précédent film, le superbe et puissant drame semi-autobiographique Belfast, vient de récolter sept nominations aux Oscars, dont trois pour Branagh lui-même (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario original).
Avant de rassurer ceux qui penseraient que le film s’éloigne trop de l’esprit d’Agatha Christie : «Bien sûr, (Death on the Nile) offre son lot de dépaysement en allant dans différents endroits majestueux.»
En parlant des décors, le réalisateur avait initialement prévu de tourner en Égypte avant de se rabattre, au grand dam des acteurs, sur des recréations dans les studios de Longcross, à l’ouest de Londres, particulièrement réussies. «Avec ce genre de films, il faut tenir ses promesses», confiait Branagh au magazine Total Film.
«Nous avons signé une sorte de contrat avec le public pour les sortir de l’ordinaire (…) Nous avons visité l’Égypte, mais nous avons aussi recréé le temple d’Abou Simbel en studio, grandeur nature. Nous avons construit un bateau à vapeur absolument énorme, ainsi qu’une immense cuve pour le faire flotter, et nous avions donc de la vraie eau, un vrai bateau, de vraies gens dedans… et, de temps en temps, comme c’est le cas en Angleterre, un vrai soleil!»
Death on the Nile,
de Kenneth Branagh.