Le «génocide» des peuples autochtones «continue» aux États-Unis, accuse l’actrice Lily Gladstone, à l’affiche de Fancy Dance, sur la disparition d’une femme d’une tribu de l’Oklahoma.
Devenue mondialement célèbre en 2023 pour son rôle, qui lui a valu une nomination aux Oscars, dans Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese, Lily Gladstone est la pièce-maîtresse de Fancy Dance, présenté l’an dernier au festival du film indépendant de Sundance. Sorti seulement dans quelques salles américaines, le film de la réalisatrice amérindienne Erica Tremblay est disponible depuis vendredi sur la plateforme vidéo d’Apple.
Fancy Dance a tout d’un documentaire, et est par ailleurs écrit, réalisé, produit et joué presque exclusivement par des femmes amérindiennes. Lily Gladstone explique que la force de cette fiction est de «rendre compte de nos besoins en tant que femmes autochtones, en particulier face aux épidémies de disparitions et de meurtres de personnes indigènes». Pour l’actrice de 37 ans, originaire de la réserve des Pieds-Noirs (Blackfeet), dans le Montana (nord-ouest), ces disparitions et homicides jamais élucidés ne sont rien moins que le «génocide» de peuples autochtones qui «continue» aux États-Unis depuis l’arrivée de premiers colons européens aux XVIe et XVIIe siècles.
Affaires non élucidées
Dans ce long métrage, qu’elle a également produit, Lily Gladstone incarne Jax, femme seule et pauvre, membre de la nation Seneca-Cayuga, dans l’Oklahoma (sud) – l’une des tribus descendantes des peuples iroquois – et dont la sœur a disparu. Confrontée à l’indifférence du FBI, à l’absence de moyens d’enquête de son frère policier de la réserve, Jax se lance à la recherche de sa sœur, aidée par sa jeune nièce, Roki (Isabel Deroy-Olson), qui espère retrouver sa mère pour un grand pow-wow, rassemblement traditionnel de nations et de tribus amérindiennes.
Un génocide ne s’arrête que s’il atteint son objectif ou si on y met un terme
Dans l’État de l’Oregon (nord-ouest), ces cas de disparitions de femmes autochtones avaient été élevés au rang d’«urgence» dans un rapport officiel en 2019. Mais plus de quatre ans après, les avancées dans les enquêtes restent «limitées», a dénoncé en juin dernière la revue InvestigateWest. Les autorités fédérales et régionales américaines ont pris conscience ces dix dernières années du nombre disproportionné de disparitions et de meurtres d’autochtones, en particulier de femmes, souligne ce média d’investigation basé à Seattle, dans l’État de Washington (nord-ouest).
Reprenant des estimations officielles, InvestigateWest avance qu’à l’échelle du pays, «des milliers» d’affaires de personnes autochtones disparues ou tuées restent non élucidées. Et pour les femmes âgées de 1 à 45 ans, l’homicide est l’une des premières causes de mortalité.
«Lacunes juridictionnelles»
La documentariste Erica Tremblay, 44 ans, membre de la nation Seneca-Cayuga et dont Fancy Dance est la première fiction, s’alarme aussi du fait que «les États-Unis connaissent actuellement une épidémie de disparitions et d’assassinats de personnes autochtones». «Un génocide ne s’arrête que s’il atteint son objectif ou si on y met un terme», analyse-t-elle.
Erica Tremblay dénonce aussi un «génocide toujours en cours dans l’Amérique aujourd’hui (mais dont) on ne parle pas», notamment en raison de l’incapacité «juridictionnelle» des tribus et nations amérindiennes à «poursuivre ces crimes». Et, proclame Lily Gladstone, «la situation ne s’améliorera pas tant que ces lacunes juridictionnelles ne seront pas comblées, que la souveraineté ne sera pas rétablie et que les autochtones ne seront pas en position (…) de reprendre (leurs) terres».
La jeune actrice Isabel Deroy-Olson rend elle hommage à «ce que Fancy Dance fait si bien : raconter une histoire si réelle». «C’est une œuvre de fiction mais elle est tellement vraie pour nos communautés, ici, en Amérique du Nord», souffle-t-elle en souriant.
Fancy Dance, d’Erica Tremblay. Apple TV+.