De Top Gun à Star Wars en passant par Dragon Ball Z, les références aux films et séries des années 1980 tapissent les très nombreuses sorties en salles et sur les plateformes prévues cette année. Un mélange de nostalgie et de fétichisme.
«Cette décennie est devenue une référence esthétique et narrative», explique Ariane Hudelet, professeure de l’université de Paris spécialisée dans les séries américaines. On constate «une fétichisation» de l’imagerie des années 1980, poursuit-elle : recherche d’un certain grain de son ou d’images, utilisation d’objets typiques comme les cassettes. Pourquoi un tel engouement ? «Même si le résultat n’a pas grand-chose à voir avec l’original, une reprise sortira du lot parce qu’elle suscite automatiquement la curiosité», souligne Alain Carrazé, journaliste et auteur de Series’ Anatomy : le 8e art décrypté (2017). «Dans un paysage où les sorties sont toujours plus nombreuses, utiliser un titre connu permet de se singulariser.»
«Stranger Things a mis les années 1980 en haut de l’affiche», observe Ariane Hudelet. «En reprenant les icônes des romans de Stephen King à E. T. (Steven Spielberg, 1982), la série incarne un mélange de pastiche et de fétichisation nostalgique de la décennie.» La quatrième saison de la série, qui raconte les aventures d’un groupe d’amis et d’une jeune fille aux capacités psychiques paranormales, sortira sur Netflix à l’été 2022.
«Réinterprétation contemporaine»
Pour Richard Mèmeteau, Stranger Things n’est d’ailleurs pas qu’une reprise, «c’est une réinterprétation complète de l’enfance dans les années 1980 à l’aune de nos attentes contemporaines. Les personnages féminins ont des places plus importantes, les monstres sont plus nuancés.» «Chaque génération de spectateur attache à une œuvre une mémoire propre», observe le philosophe et auteur de Pop culture. Réflexions sur les industries du rêve et de l’invention des identités (2014). Toute reprise moderne est dès lors «l’occasion de se replonger dans ces mémoires passées».
Avec deux nouvelles séries Star Wars, l’adaptation de la fresque fantastique Willow (Ron Howard, 1988) ou la sortie d’un film Dragon Ball Z, 2022 confirme les années 1980 comme «la décennie associée à l’essor de la science-fiction et de l’horreur», note Arianne Hudelet. Obi-Wan Kenobi et Andor, les deux séries Star Wars à paraître sur Disney+, se situent en amont de l’épisode fondateur de la saga en 1977. «Les gens qui regardent des séries à notre époque sont d’abord ceux nés dans les années 1980», analyse Alain Carrazé. Notons toutefois que la série Obi-Wan Kenobi fait aussi le lien avec la deuxième trilogie Star Wars en faisant revenir ses deux acteurs principaux, Ewan McGregor dans le rôle-titre et Hayden Christensen dans celui d’Anakin Skywalker, ex-protégé du maître Jedi passé du côté obscur.
Tom Cruise toujours au top
Ces deux séries s’articulent donc naturellement «pour l’instant autour de la première trilogie», que ces spectateurs ont connue enfants. À l’image de Dragon Ball Z, série de manga animé qui connaîtra une nouvelle adaptation en film cette année. Tout comme un autre titre sorti de l’imagination de George Lucas, Willow, qui avait connu un faible succès en 1988 : c’est sous forme de série – elle aussi estampillée Disney+ – qu’il fera son retour avec, dans le rôle éponyme, l’acteur de l’époque, Warwick Davis.
Tom Cruise sera à l’affiche en mai 2022 de Mission : Impossible 7, de Christopher McQuarrie, et de Top Gun : Maverick, de Joseph Kosinski, suite des exploits de l’as des as de l’Air Force en 1986. Avec Mission : Impossible, saga qu’il porte depuis 25 ans, l’acteur américain «se sert d’un titre ancien», issu d’une série à succès des années 1960 et 1970, «pour définir un format qui fonctionne suffisamment bien auprès du public pour en faire plusieurs films», souligne Alain Carrazé. Quant à Top Gun, son personnage, la tête brûlée Maverick, désormais presque sexagénaire, est surpris d’être «réinvité» dans l’armée : un officier supérieur lui répond qu’il n’a pas le choix de revenir car il s’agit d’«un ordre»… Aux spectateurs de décider s’il est celui de trop.
«Flash-back» prolongé en 2023
Le retour en force des années 1980 n’est pas exclusif aux écrans, petits et grands; en musique aussi, les sons rétrofuturistes de The Weeknd ou la pop de Juliette Armanet, deux exemples parmi tant d’autres, revendiquent leur appartenance à cette mouvance nostalgique envers une époque que la plupart n’ont même pas connue. Le chanteur et producteur canadien, par exemple, est né en 1990. C’est pourtant en grande partie grâce au cinéma et aux séries que les «eighties» se sont aussi invitées dans la musique, notamment depuis Drive (Nicolas Winding Refn, 2011) et à plus forte raison avec Stranger Things. Et au vu des sorties prévues sur les écrans en 2023, l’attachement à cette décennie décisive pour la pop culture ne compte pas s’arrêter là.
En dehors des gros studios américains, qui ont pour habitude de prévoir un calendrier de production et de sorties étalé sur plusieurs années, peu de visibilité est encore donnée aux films et séries qui arriveront en 2023. Ce sont quelques blockbusters, donc, qui mettent la puce à l’oreille : Tom Cruise et le réalisateur Christopher McQuarrie prévoient déjà un Mission : Impossible 8 (prévu pour l’été 2023) et Transformers, la franchise inspirée des jouets populaires dans les années 1980 reviendra avec un septième film en juin 2023. Chez Marvel, les Guardians of the Galaxy, bercés aux sons pop-rock des années 1970, pourraient se plonger dans l’atmosphère musicale des années 1980 dans le troisième volet de leurs aventures, attendu pour mai 2023.
Un blockbuster, en particulier, risque de faire date : une cinquième aventure d’Indiana Jones, le héros incarné par Harrison Ford, devrait voir le jour en juin 2023. En lieu et place de Steven Spielberg, qui a créé la franchise avec George Lucas et réalisé les quatre premiers épisodes – une première trilogie entre 1981 et 1989 et un quatrième volet en 2008 –, James Mangold réalisera ce nouvel opus, dont le tournage a commencé à l’été 2021. Le réalisateur de Walk the Line (2005) et Ford v. Ferrari (2019) entend «pousser (la saga) vers d’autres territoires», avait-il déclaré au site ComicBook.com. Pour un retour à l’époque glorieuse de l’archéologue-aventurier, le film prévoit de rajeunir numériquement Harrison Ford…
Valentin Maniglia