[Cinéma] Épopée dans le Grand Nord

La société Tarantula a eu «un coup de cœur» pour Tout en haut du monde. Elle distribue ce joli film d’animation qui conte le voyage aux confins de la banquise d’une aristocrate russe pour retrouver son grand-père explorateur.

Cette première et prometteuse réalisation de Rémi Chayé, qui a reçu les faveurs du public au dernier festival du Film d’animation d’Annecy, suit une jeune fille à la recherche de son grand-père perdu sur la banquise. Un récit d’aventures épique, au style épuré, bienvenu pour les vacances.

Alors qu’aujourd’hui, le cinéma dit d’animation use abondamment d’effets pyrotechniques futuristes et embellit la nature humaine – sous le prétexte évident que le cœur de cible se situe autour de 8-10 ans – il est agréable de tomber, et c’est suffisamment rare pour le souligner, sur une pépite qui fleure bon l’aventure à l’ancienne, celle des Jules Verne et autres conteurs à l’imagination fertile. C’est le cas de ce Tout en haut du monde, récompensé par le prix du public au festival du Film d’animation d’Annecy et pour lequel la société cinématographique Tarantula s’est assuré, pour le Luxembourg, l’exclusivité de la distribution.

Partons donc dans un périlleux périple vers les glaces du Grand Nord en compagnie de Sacha, intrépide adolescente aristocrate de 15 ans, aux yeux verts et à la chevelure d’or, fascinée par les exploits de son grand-père, le célèbre Oloukine. Une magnifique héroïne que l’on découvre dans une Russie recouverte par la neige et la mainmise du tsar en 1882. Usée par les conventions imposées par son rang, elle rêve de suivre les pas de son aïeul, qui n’a plus donné signe de vie depuis le lancement de sa dernière expédition.

Persuadée que les vaines investigations menées jusqu’ici sont liées à une erreur d’orientation, l’adolescente s’échappe du domicile familial pour se lancer, cartes sous le bras, sur la trace de son modèle. Elle est tour à tour aidée dans son voyage – autant initiatique que géographique donc – par Olga, une tenancière de taverne, et l’équipage du ténébreux capitaine Lund, et inattendu allié.

Petit budget et grandes idées

Ce qui séduit d’emblée dans cette glaciale expédition, c’est l’économie de moyens – rappelons que le film a été réalisé avec un petit budget (6 millions d’euros) et sans sous-traitance – choisie par Rémi Chayé, technicien de l’animation «formé sur le tas» après un passage par l’école de La Poudrière dans la Drôme (France). Ici, par de 3D et de couleurs saturées qui épuisent la rétine, mais du 2D numérique conçu à partir d’un logiciel «flash», qui joue sur une opposition de grands aplats sans textures mais nourris de dégradés de couleurs, et une composition de mouvements épurée. Un peu comme un tableau en mouvement – on apprend ainsi que le cinéaste, pour la colométrie, s’est inspiré des affiches aux teintes saturées des compagnies ferroviaires américaines du XIXesiècle.

Le coup de crayon de Rémi Chayé se fait plus précis et incisif encore lorsque les éléments se déchaînent, comme lorsque l’équipage doit braver le blizzard ou lors d’une somptueuse scène en mer qui voit le navire du capitaine Lund malmené par une gigantesque houle. Une approche épurée qui n’enlève aucune crédibilité aux personnages et à l’histoire, bien au contraire, surtout après dix années de gestation nécessaires à la réalisation du film, fabriqué «sur le sol européen». «Un choix politique», soulignait-il devant le public conquis d’Annecy.

Le long métrage – accompagné, il faut le préciser, par les belles compositions musicales originales de Jonathan Morali – a ainsi été retravaillé au fil des années. Un soin particulier a également été apporté aux décors. Le bateau du capitaine Lund a par exemple été entièrement pensé par un ami du réalisateur, charpentier de marine. «Nous avons aussi beaucoup travaillé pour faire en sorte que les personnages existent vraiment», soulignait de son côté, Fabrice De Costil, le scénariste. Qu’on se le dise, Tout en haut du monde, œuvre sensible et touchante à plus d’un titre, doit être une étape nécessaire durant les vacances de Pâques. On dit que les grands voyages se méritent. Celui-là plus que d’autres. Un conseil : embarquez sans hésiter !

Grégory Cimatti (avec AFP)

Tout en haut du monde, de Rémi Chayé.

Actuellement à l’Utopolis et Utopia (Luxembourg), Starlight (Dudelange), Kursaal (Rumelange) et Waasserhaus (Mondorf).