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[Cinéma] En roue libre : road movie «thérapie»


Marina Foïs et Benjamin Voisin, les deux acteurs principaux de ce film. (photo DR)

Pour son premier film, Didier Barcelo imagine un huis clos en mouvement, à travers l’histoire de deux personnages au bord du gouffre qui s’apprivoisent au fil des kilomètres. Une comédie qui tient la route.

Pour Didier Barcelo, 60 ans, la vie, ça équivaut à tracer sa route : il y a des lignes droites tranquilles, apaisantes, mais aussi quelques sentiers plus difficiles, des virages ardus, des nids-de-poule, des itinéraires bis et des chemins barrés. Et parfois, au bout d’un long trajet, la panne d’essence. À sec.

Derrière la métaphore, le tout nouveau réalisateur parle de la société d’aujourd’hui, avec ces existences éprouvées, fatiguées, oubliées, au bord du gouffre. Pour lui, En roue libre est alors une «histoire de crise», celle qui guette et frappe souvent sans prévenir. Une sorte de «burn-out» qui se guérit ici dans «une thérapie itinérante en forme de tour de France», explique-t-il. Bref, un road movie psychanalytique et émancipateur.

Pour répondre aux exigences du genre, il fallait deux personnages à la hauteur, qui, comme le veut l’usage, «n’ont a priori rien à faire ensemble». D’un côté, donc, une certaine Louise, «effondrée sur elle-même», et Paul, «dans une situation d’explosion». Un duo dépareillé pour un «couple qui n’en est pas un» qui va s’apprivoiser sur les routes de France, permettant au cinéaste d’assouvir au passage sa triple passion pour le «huis-clos, la comédie et le paysage».

Dès l’entame, on découvre une Marina Foïs à la sortie du lit (à 14 h tout de même !), infirmière épuisée vivant seule dans la banlieue de Beaune. Subitement, elle se sent prise au piège dans son antique Volvo 240 break couleur moutarde, terrassée par une crise de panique dès qu’elle veut en sortir. «Elle ne comprend pas bien ce qui lui arrive mais va découvrir que sa vie ne ressemble pas à grand-chose», lâche Didier Barcelo.

 

C’est là qu’arrive Benjamin Voisin (brillant dans Été 85 et Illusions perdues, pour lequel il a reçu le César du meilleur espoir masculin), jeune paumé animé par un désir de revanche. Il vole la voiture et la kidnappe par la même occasion. Ensemble, ils prennent alors la direction du Cap-Ferret, pour 700 kilomètres de cohabitation à la fois houleuse et affective : «Ils sont réunis par des circonstances qui les rapprochent, celle notamment d’avoir perdu quelqu’un. Il y a entre eux quelque chose d’indicible qui se noue». Ainsi, au volant de l’imposant engin, dans ce «huis-clos en mouvement», le duo va multiplier les rencontres et expériences, d’un vieil homme têtu à une étrange auto-stoppeuse.

Des personnages tout aussi cabossés qu’eux qui «ont pour fonction de rapprocher le duo, de l’unir par le biais de la comédie. Ils renforcent la complicité en passe de s’installer» car finalement, «il y a plus dingue qu’eux !». Sur la musique de Peter von Poehl et de Véronique Sanson, Louise et Paul vont vite comprendre qu’ils ont chacun besoin de l’autre. Ensemble, ils vont inventer une autre voie pour rebondir… Toujours Didier Barcelo : «C’est paradoxalement dans l’enfermement de sa voiture que Louise va réapprendre à jouir de sa liberté». À travers ce voyage délirant, elle va s’apercevoir «qu’en trois jours, elle va vivre plus de choses qu’en dix ans».

Il poursuit : «Elle va redécouvrir l’infini de son monde intérieur, ses émotions et la nécessité du lien à l’autre». Car oui, En roue libre est aussi une invitation à sortir de l’isolement et à se tourner vers autrui qui, malgré ses différences évidentes, a également son lot de souffrances à gérer et sait parfois faire preuve d’humanité. Et dans cette France périphérique, on ne compte plus les maux minant le quotidien de chacun. Mais d’une existence terne, comme celle de Louise ou de Paul, on peut, par l’imprévu ou la solidarité, trouver quelques rayons de soleil. Comme le dit ce dernier, les pieds plantés dans le sable : «C’est fou, la vie !».