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[Cinéma] En place : Jean-Pascal Zadi, président !


Retrouvez la critique cinéma de la semaine.

Depuis la crise sanitaire, on a pris l’habitude de voir sur les écrans cette carcasse de près de deux mètres, un peu endormie, jamais vraiment à son aise, ni totalement à sa place. C’est un peu la marque de fabrique de Jean-Pascal Zadi, acteur-réalisateur qui ne passe pas inaperçu avec sa grande bouche, ses airs rêveurs et cette capacité à être dans le décalage.

Il semble en effet toujours tomber des nues, perdu par exemple derrière sa console en tant que compositeur pour le cinéma (Coupez!), en super-héros que personne n’écoute (Fumer fait tousser) ou, dans ce qui reste son principal fait d’armes pour lequel il a reçu un César du meilleur espoir masculin, en agitateur de la cause noire qui, du fait justement de sa maladresse et sa naïveté, se retourne vite contre lui (Tout simplement noir).

Netflix, amusé de cette incompétence et ce côté hors sol, va alors lui trouver un rôle qui colle parfaitement à ce double examen : celui de président de la République. En place (qu’il coréalise), dont la première saison est sortie en janvier 2023, le place ainsi dans la peau de Stéphane Blé, éducateur de Bobigny, dont le clash avec le maire de gauche et candidat à la présidentielle (Benoît Poelvoorde) devient viral.

De fil en aiguille, il décide de déposer sa candidature lui aussi. Candide dans un monde dont il n’a aucun code, Jean-Pascal Zadi est chaperonné par un conseiller politique à la morale douteuse (Éric Judor), et entouré d’une équipe de bras cassés. Pourtant, au terme d’une campagne où les favoris tombent les uns après les autres, il accède au pouvoir avec un programme qui tient à une maigre proposition («Mangez bien, payez rien») et à une rengaine («tous ensemble, tous ensemble, ouais, ouais!»).

La politique, ça salit tout

Le voilà donc à l’Élysée, reçu par son prédécesseur (Alain Chabat) qui voit en lui un «homme droit, intègre, plein de vitalité», qui saura apporter à la tête de l’État «sa bonhomie tropicale». C’est vrai qu’il est honnête et sincère, mais ça ne suffit pas, loin de là, à l’exercice politique qui, c’est connu, «salit tout» sur son passage. Il va rapidement s’en rendre compte, lui, le 26e président, celui de la France «mleh» (pour «bien, frais, posé», précise-t-il), alors assailli de toutes parts.

S’il avait dans l’idée d’appliquer ses idées, c’est raté : il va devoir faire avec une crise diplomatique avec la Norvège, une révolte dans les Antilles et une tentative de coup d’État à domicile. Sans oublier les menaces (comme cette banane piégée envoyée par la poste), les projets d’assassinat, l’impopularité propre à tout dirigeant, son couple qui bat de l’aile et, ce n’est pas rien, un milieu gangréné par les ego, les coups bas et les manipulations.

Comme sur un freestyle (qu’il préfère aux discours et aux débats), Jean-Pascal Zadi, Légion d’honneur autour du cou façon Public Enemy, garde le rythme sur cette seconde saison. Il le doit d’abord à lui-même, figure bienveillante «porteuse d’espoir» dans une société qui en aurait bien besoin. Il le doit ensuite à toute sa «crew», du cousin Mo, agent de sécurité qui se la joue à l’américaine à Yasmine, éminence grise qui en marre de répondre toujours à la même question des journalistes («comment assumez-vous de porter le voile alors que les Iraniennes se battent pour l’enlever?»).

Et bien sûr Éric Judor, sur 220 volts et aux imitations tordantes. Les personnages des autres camps sont aussi bien campés, du candidat d’extrême droite (Pierre-Emmanuel Barré), fasciste à bottes (en caoutchouc) à celle écolo-féministe (Marina Foïs), qui recycle ses affiches de campagne, en passant par Benoît Poelvoorde, serpent sans foi ni loi.

Comme a pu le faire l’excellente série Baron noir, certes sur un ton bien plus léger, En place porte, à sa manière absurde et décalée, son regard dans les coulisses de la politique française. Mais derrière les blagues et les situations cocasses (qui ne font pas toutes mouche), elle partage de convaincantes similitudes avec la situation du moment.

Celle d’un pays divisé au racisme de plus en plus décomplexé. Celle, aussi, d’une classe politique hypocrite qui ignore les idées du peuple et ne songe qu’aux sondages, aux alliances et à sa communication, surtout quand les élections approchent, comme les législatives… Un constat connu mais toujours dur à digérer, qui amène justement Jean-Pascal Zadi à imaginer le pire : une issue chaotique, comme au Capitole américain en 2021, sauf qu’en France, les émeutiers porteront des casques à cornes en hommage à Vercingétorix. Pour le coup, et en attendant la troisième saison, l’image, crédible, donne plus à pleurer qu’à rire.

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