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[Cinéma] Dodin Bouffant, ou l’ode à la bonne chère


Entre l’acteur Benoît Magimel et le réalisateur Tran Anh Hung, le chef étoilé Pierre Gagnaire, conseiller culinaire du film, s’est aussi vu offrir un petit rôle à l’écran. (Photo : stéphanie branchu)

La Passion de Dodin Bouffant, film choisi pour représenter la France aux Oscars et récompensé pour sa mise en scène au festival de Cannes, arrive en salles, avec le chef Pierre Gagnaire dans sa brigade.

Le film La Passion de Dodin Bouffant est le septième long métrage de Tran Anh Hung, trente ans après les débuts du cinéaste derrière la caméra avec L’Odeur de la papaye verte. Dans ce nouveau film, prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes, on suit le duo formé à la fin du XIXe siècle par le gastronome Dodin (Benoît Magimel) et la cuisinière Eugénie (Juliette Binoche), unis par une complicité personnelle et culinaire. Et le film de faire la part belle à des festins gargantuesques, dont la préparation occupe une large place à l’image.

Pour rendre l’ensemble crédible, le réalisateur, qui adapte un roman suisse paru en 1920, a donc sollicité une des plus célèbres toques françaises. «Le plus important, c’était que ce soit crédible et que ce soit mangeable», a raconté en mai, sur la Croisette, Pierre Gagnaire, quatorze étoiles au Michelin et intervenant dans l’émission Top Chef, qui fait une incursion au cinéma comme conseiller culinaire de ce film.

Cuisine authentique

«Tran est venu manger à mon restaurant il y a cinq ou six ans, un jour où il y avait un pot-au-feu à la carte (NDLR : le titre international du film est Pot-au-feu). Il a bien aimé son repas et il m’a dit : « Vous savez Pierre, je prépare un film, j’adapte le livre Dodin Bouffant. Est-ce que ça vous intéresserait de m’accompagner sur cette histoire? »», a-t-il ajouté. Un moment passe, sans nouvelles, jusqu’à un premier rendez-vous de travail. «J’ai pensé : on ne va jamais y arriver, parce que la demande est énorme. C’était beaucoup plus compliqué que ce que j’imaginais», a rembobiné le chef.

Il y a quelque chose de très moderne dans la cuisine du film

Cette profusion apparaît à l’écran, où les mets défilent pendant près de deux heures trente, entre viandes, poissons, omelettes ou sauces, dont la longue préparation est filmée comme un ballet. «Il y a eu pour moi une chose qui a été fondamentale et qui a fait que je suis entré dans le film : on a eu trois matinées où j’ai cuisiné en toute liberté. Là, Tran a tout filmé pour avoir plein d’images. Ça a scellé mon amitié pour lui et la structure de ce qu’on pouvait produire», a encore décrit le chef. Qui poursuit : «Il y a quelque chose de très moderne dans la cuisine du film avec ces légumes, le rapport à la nature…»

Pierre Gagnaire précise que, dans leur dynamique de travail, Tran Anh Hung l’a «écouté» : «Je lui disais : « (Telle chose) n’est pas cohérente, ça ne va pas. Surtout qu’Eugénie est une cuisinière libre, c’est une femme qui cuisine avec ses sensations. » J’ai donc essayé de proposer quelque chose d’authentique», ajoute-t-il.

Omelettes, turbots, carrés de veau…

Sur le plateau, un des collaborateurs du chef étoilé était présent tous les jours pour préparer les mets et lui est venu plus ponctuellement. Le résultat : un nombre ahurissant de plats, dont 80 omelettes, des carrés de veau, plusieurs turbots… Mais pas de gâchis! «L’équipe du film en a bien profité. Il ne restait pas une miette!», selon Pierre Gagnaire.

Les deux acteurs ont également joué le jeu, avec notamment une demi-journée d’entraînement pour paraître le plus crédible à l’écran, mais «les deux cuisinent, surtout Benoît», assure le chef. Pierre Gagnaire, qui cite Ratatouille (Brad Bird et Jan Pinkava, 2007) et Babette’s Feast (Gabriel Axel, 1987) parmi ses films préférés sur la gastronomie, fait aussi une apparition à l’écran devant la caméra de Tran Anh Hung, disant dans un sourire que «ça fera un joli souvenir pour (ses) petits-enfants».

La Passion de Dodin Bouffant, de Tranh Anh Hung.