Réalisateur de Bodyguard, Mick Jackson est de retour à 73 ans. Avec Denial, il met en image le procès qui a opposé Deborah Lipstadt à David Irving. D’un côté, une historienne. De l’autre, un universitaire extrémiste qui remit en cause l’existence de l’Holocauste. Un film efficace et rigoureux.
Sur son CV, on note de nombreux films à succès : Bodyguard (1992), Volcano (1997) ou encore Live from Baghdad (2002). À 73 ans, le réalisateur américain Mick Jackson est de retour avec un nouveau long métrage Denial (en VF, Le Procès du siècle ), film, donc, à classer dans le genre «trial movie». On a là un film basé sur Denial : Holocaust History on Trial , livre écrit en 1994 par l’historienne américaine Deborah Lipstadt dans lequel elle relatait le procès en diffamation que lui avait intenté le Britannique David Irving.
Ce dernier fait partie de ces personnages qui crient haut et fort que la Shoah est une invention d’esprits mal tournés. Avec quelques autres (dont le Français Robert Faurisson), ils sont définis comme «révisionnistes» et dans nombre de pays, ils sont sous le coup de procès et condamnations. Mais à un moment, la production livresque de David Irving s’est moins vendue – il en a tenu l’historienne Deborah Lipstadt pour responsable et l’a traduite en justice.
« Il pensait pouvoir me déstabiliser du haut de ses connaissances , confie l’historienne, et parce que je n’ai pas eu de proches à Auschwitz. Mais il ignorait que je suis extrêmement méticuleuse et recoupe soigneusement toutes les sources. Et puis j’ai voulu le confronter à ses inventions. J’ai aussi examiné les chiffres qu’il avançait. Avec la conséquence que le procès ne fut pas seulement historique mais aussi le procès de l’Histoire… »
«On vit une époque de folie et de mensonge»
L’histoire de Denial (le film) commence quand Gary Foster et Russell Krasnoff, tous deux producteurs, découvrent en 2009 Deborah Lipstadt et ses travaux alors que leurs enfants s’inscrivaient à l’université. Ensuite, ils proposent la réalisation à Mick Jackson, solide routier du cinéma, mais qui surtout, un temps, fut un excellent documentariste. Et pour le scénario est retenu David Hare, poids lourd du 7 e art (auteur entre autres de The Reader de Stephen Daldry) qui a lu la totalité des minutes du procès avant même d’écrire la moindre ligne de Denial : « En aucun cas, je ne pouvais inventer des situations qui ne se sont pas produites au tribunal », explique-t-il.
Enfin, le casting, avec les deux rôles allant à Rachel Weisz et Timothy Spall. Très impliquée sur le tournage du film, Deborah Lipstadt commente : « Avec Rachel Weisz qui me joue à l’écran, on a passé beaucoup de temps ensemble avant le tournage. J’ai découvert une personnalité très sensible et désireuse de ne pas s’écarter de la réalité. Il est vrai que l’aventure de sa famille ressemble à la mienne. »
Issu du documentaire, Mick Jackson a tenu à ce que tous les dialogues des séquences de prétoire soient, mot pour mot, les échanges consignés dans les archives officielles. Sur la forme, peintre à ses heures, il n’a pas souhaité mettre en image un film sombre – ainsi, il s’est inspiré des tableaux de Vermeer et du film Ida (Oscar du film étranger 2015) : « Un film qui parle de vérité doit être lumineux. » Film de prétoire efficace et rigoureux, Denial est un excellent plaidoyer contre le révisionnisme et le conspirationnisme, d’autant plus nécessaire qu’« on vit une époque de folie et de mensonge, d’excès et de violences et de déformations en tous genres de la vérité », dit encore Mick Jackson.
Serge Bressan
Denial, de Mick Jackson (États-Unis/Grande-Bretagne, 1h50) avec Rachel Weisz, Tom Wilkinson, Timothy Spall…