Une plateforme pétrolière en feu. Des morts et une marée noire… c’est Deepwater Horizon, de Peter Berg. Le réalisateur montre mais ne pose pas les questions.
Fin 2010, le New York Times publie un long article titré «Deepwater Horizon’s Final Hours». Un récit écrit par quatre journalistes sur un accident survenu quelques mois plus tôt sur une plateforme pétrolière dans le golfe du Mexique qui provoqua le plus grand accident écologique qu’ont, à ce jour, connu les États-Unis. Une marée noire terrible, onze personnes d’abord portées disparues puis officiellement déclarées mortes, plus d’une centaine de blessés, un grand nombre d’espèces animales affectées…
Dès la parution de l’article, Summit Entertainment, acquiert les droits pour monter un film sur cette catastrophe écologique. C’est Deepwater Horizon , réalisé par l’Américain Peter Berg, 52 ans, remarqué dans le passé pour de nombreux épisodes de séries télé et aussi, sur grand écran, pour Very Bad Things (1998), Hancock (2008, avec Will Smith) ou encore Lone Survivor (2013).
Le réalisateur précise : « Le groupe pétrolier BP m’a mis, pendant le tournage, des bâtons dans les roues. Il a vraiment fait de l’obstruction, a tout fait pour nous empêcher d’avoir accès à une plateforme de forage. On ne pouvait même pas s’en approcher en hélicoptère ». Et ajoute : « Les compagnies exercent une telle pression parce qu’elles ont un pouvoir économique énorme dans la côte du golfe du Mexique. Tous ceux qui avaient travaillé pour BP nous ont dit qu’ils ne pouvaient pas nous parler …»
Donc, après de tels mots et propos, le spectateur attend un film si ce n’est à charge contre les sociétés pétrolières, au moins enquête sur une industrie dont la morale écologique n’est pas toujours évidente. À l’écran, en fait, on est plongé au cœur des flammes – et c’est impressionnant. Seulement impressionnant, mais question fond, Deepwater Horizon se révèle bien léger. Comme si la production et le réalisateur avaient souhaité ne pas faire trop de vagues, ne pas (trop) froisser les industriels de l’or noir…
Un film d’action, sans fond
Aidé par un casting de très beau niveau (avec, entre autres, Mark Wahlberg, Kurt Russell ou encore John Malkovich), Peter Berg s’en tient aux faits. Et propose donc un focus sur cette plateforme qui forait les 800 millions de litres de pétrole des profondeurs du golfe du Mexique. Jimmy Harrell, le patron de la plateforme, est réputé pour son professionnalisme, tout comme Mike Williams, l’électricien père de famille. Ils n’ignorent rien des risques du métier, mais comme leurs collègues, ils n’ont pas vraiment confiance en la société locataire de la plateforme dirigée par Donal Vidrine dont l’objectif prioritaire est de faire entrer dans les caisses le maximum de dollars.
Ce qui le conduit à déplacer la plateforme sans tenir compte qu’en dessous, cinq millions de barils sont prêts à exploser. Évidemment, il y aura accident; au cœur des flammes, des femmes et des hommes vont tenter de survivre. Puis catastrophe écologique avec une marée noire. Et tout cela donne un blockbuster avec d’impressionnants effets pyrotechniques. Un blockbuster qui, malheureusement, passe à côté des vraies questions…
Serge Bressan
Deepwater Horizon, de Peter Berg (États-Unis, 1 h 47) avec Mark Wahlberg, Kurt Russell, Dylan O’Brien…