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[Cinéma] David Cronenberg sort ses tripes


Le film marque le retour au «body horror» pour le réalisateur, après huit ans d’absence. (Photo : metropolitan filmexport)

Le célèbre réalisateur, 79 ans, revient à ses manies et remet son art sur la table de dissection. Au menu : des entrailles, de la chair et des corps modifiés, pour de la science-fiction horrifique qu’il maîtrise comme personne.

David Cronenberg n’a pas failli à sa réputation de pape du gore avec la présentation à Cannes, lundi, de Crimes of the Futur, qui sort ce mercredi en salles et dans lequel il pousse plus loin que jamais son obsession pour le corps et ses viscères. Le film, dans un futur indéterminé «post-catastrophe», un monde en ruine où la douleur a été abolie, met en scène l’acteur fétiche du réalisateur, Viggo Mortensen (A History of Violence, Eastern Promises, A Dangerous Method). Cette fois dans la peau d’un artiste très particulier, Saul.

Ses créations? Des tatouages réalisés à vif sur ses organes internes, au cours d’opérations menées en public. Mot d’ordre : «La chirurgie, c’est le nouveau sexe». Le scalpel est manié par Caprice, jouée par une Léa Seydoux au visage de cire, tandis qu’un nébuleux service de police, le Bureau du registre national des organes, représenté par Kristen Stewart, les surveille à distance. Le propos est parfois obscur sur l’évolution de l’humanité et le «naturellement non-naturel», ces «néo-organes» cultivés à l’intérieur des corps par des machines semblant sorties des années 1980 et ses «punchlines» déroutantes («les braguettes ont leur propre sex-appeal»).

Un retour au body « horror »

Le film marque surtout le retour au «body horror» du réalisateur, après huit ans d’absence. «Dans ce film, j’ai essayé de regarder ce qu’il y avait à l’intérieur du corps», résume-t-il. «Mon intérêt n’est pas de choquer et que les gens quittent la salle, mais ça peut arriver», poursuit le réalisateur des cultes The Fly, eXistenZ et Videodrome, qui a mûri plus de vingt ans ce projet. D’ailleurs, dès la séquence d’ouverture, les âmes sensibles seront éprouvées : on y voit un enfant croquer dans une chaise en plastique comme dans une tablette de chocolat, avant d’être assassiné, étouffé sous un coussin, par sa mère…

«Il y a des choses que je n’aimerais pas voir, mais c’est très spécifique. La cruauté je n’aime pas, en particulier la cruauté envers les enfants (…) Je ne dirais pas que ça me choque mais je n’aime pas regarder», nuance celui qui a trois enfants et quatre petits enfants. Le parfum de souffre qui entoure le réalisateur de 79 ans n’est pas nouveau : dès ses débuts en compétition sur la Croisette en 1996, il faisait scandale, divisant la critique mais remportant un prix spécial du jury, avec Crash. Ce film tout de sexe, violence et accidents de voiture a inspiré Titane, Palme d’or 2021, de Julia Ducournau.

J’ai une vie incroyablement non violente

Acteur magnétique rendu célèbre par The Lord of the Rings ou Green Book, Viggo Mortensen, déjà souvent filmé nu par David Cronenberg, sort cette fois ses tripes, au sens propre. «Pour certaines prises, j’étais bien content de ne pas être dans ma propre peau», sourit l’acteur en référence notamment aux scènes d’éviscération, tournées à Athènes par plus de 40 °C. «Il y a des choses que l’on ne peut pas faire à votre corps en faisant ensuite une deuxième ou une troisième prise!»

Un réalisateur « en avance sur son temps » selon Viggo Mortensen

«C’est une histoire bien écrite et structurée de film noir mais aussi une histoire d’amour, entre Léa Seydoux et mon personnage, une confiance sans bornes, une connexion physique très forte et une histoire de sacrifice pour le bien-être physique de l’autre», poursuit-il. «Nous avons une amitié avec David et une confiance qui me permet de le laisser essayer des choses inhabituelles», poursuit-il. Pour lui, Cronenberg est «en avance sur son temps» et ses films doivent être vus «quatre ou cinq fois de suite» pour être totalement compris.

De son côté, le cinéaste canadien, qui fouille les corps et les âmes depuis un demi-siècle dans des films cathartiques tournés comme des cauchemars, tient encore à se défendre sur ses orientations artistiques : «J’ai une vie incroyablement non violente (…) Je n’ai jamais participé à une bagarre dans un bar, encore moins à une guerre, je n’ai jamais frappé personne», lâche-t-il. «Il y a une vieille tradition juive d’examiner les forces obscures, sinon ce sont elles qui viennent à vous», confiait-il dans un livre d’entretiens Cronenberg on Cronenberg (1996). «Si vous donnez au diable son dû et que vous envisagez les choses les plus terrifiantes alors elles n’arriveront peut-être pas. C’est ce que je fais avec mes films : confiner l’horreur dans l’écran pour qu’elle n’arrive pas dans ma vie», conclue-t-il avec malice.

Crimes of the Futur,  de David Cronenberg.

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