Deux ans après le Lion d’or pour Poor Things, le réalisateur grec imagine un duel sanglant entre Emma Stone en femme d’affaires et Jesse Plemons en paumé complotiste. Une satire des obsessions conspirationnistes.

Porté par Emma Stone dans le rôle d’une femme d’affaires sans scrupules, Bugonia, le nouveau film de Yorgos Lanthimos présenté juste avant la fin de l’été à la Mostra de Venise, dresse une satire des obsessions conspirationnistes dans un thriller à la fois sanglant et apocalyptique. Pour sa quatrième collaboration avec le réalisateur grec, dont Poor Things, Lion d’Or en 2023 qui lui a valu aussi un second Oscar de meilleure actrice, elle incarne Michelle Fuller, PDG d’une multinationale pharmaceutique. Elle est soudainement kidnappée par Teddy, un apiculteur complotiste aux tendances paranoïaques (Jesse Plemons, vu dans la série Breaking Bad et le dernier film de Lanthimos, Kinds of Kindness) et son complice Don (Aidan Delbis), convaincus qu’elle est en réalité une extraterrestre chargée de détruire la planète.

Dès les premières minutes, le spectateur se voit alors plongé dans un univers dérangeant et oppressant, appuyé par une bande originale lancinante (une habitude chez le réalisateur grec) et un cocktail mêlant les codes du thriller psychologique et de la comédie noire. Mais sous ses allures de dystopie, Bugonia, remake du film sud-coréen Save the Green Planet! de Jang Joon-hwan (2003), se veut en prise avec la réalité du XXI^e siècle, abordant des thèmes comme le risque d’extinction de l’humanité ou l’explosion du complotisme et de ses dérives. Pour Yorgos Lanthimos, le film se veut ainsi «un reflet de notre époque», marquée par «la technologie, l’IA, les guerres et le changement climatique», clame-t-il.

«Déjanté et vivant»

«Nous sommes devenus insensibles à toutes ces choses. J’espère que cela incitera les gens à réfléchir à ce qui se passe aujourd’hui partout dans le monde. Je crois que bientôt, ils auront besoin de choisir le bon chemin. Sinon, je ne sais pas combien de temps il nous reste avec tout ce qui se passe…», a-t-il déclaré en conférence de presse, quelques heures avant la projection en avant-première mondiale. Le film a été produit par Ari Aster, qui a déjà abordé les thèmes de la désinformation et de la violence à laquelle elle conduit dans son dernier film, Eddington, qui a un reçu un accueil mitigé lors du dernier festival de Cannes, malgré la présence à l’écran d’un tête à tête entre Pedro Pascal et Joaquin Phoenix.

Ce film, c’est un reflet de notre époque!

Tourné sur pellicule 35 mm, dont la texture granuleuse sublime la photographie millimétrée de Yorgos Lanthimos, Bugonia ébranle ainsi les certitudes au gré des rebondissements tout en proposant une réflexion sur les dérives de notre époque, comme les vidéos conspirationnistes qui inondent YouTube. Emma Stone a confié avoir vécu comme «un rêve» cette nouvelle collaboration avec le réalisateur grec, après The Favourite (2018), Poor Things et Kinds of Kindness (2024).

Cours de combat

«Pour ce film en particulier, il se passe tellement de choses qui, je pense, correspondent à notre époque, et c’est raconté d’une manière que j’ai trouvée fascinante, émouvante, drôle, déjantée et vivante», a-t-elle déclaré. Pour ce rôle qui a nécessité une préparation physique, la star hollywoodienne a dû notamment se prêter à des cours de combat et même se raser entièrement le crâne, «la coupe de cheveux la plus facile à faire», a-t-elle plaisanté.

Citant l’astronome américain Carl Sagan, elle a qualifié de «plutôt narcissique» «l’idée que nous soyons seuls dans cette vaste étendue de l’univers». «Alors oui, je le dis ouvertement : je crois aux extraterrestres», a-t-elle lancé, provoquant les rires de la salle. À noter que le film tient son appellation d’un rituel mythologique évoqué par le poète Virgile, évoquant la génération naturelle d’abeilles à partir d’un taureau en décomposition, métaphore pour la naissance de vérités alternatives.