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[Cinéma] Brigitte Bardot, portrait d’une affranchie


En 1973, l'année où elle met un terme à sa carrière, «B. B.» tourne un dernier film avec Roger Vadim, «Don Juan 73». (Photo : afp)

Plus qu’une actrice, Brigitte Bardot a été une star planétaire incarnant la liberté sexuelle dans les années 1960 avant de s’inventer une autre vie où elle s’est illustrée par un combat, la défense des animaux, et des positions réactionnaires.

Star planétaire, icône féminine du cinéma, Brigitte Bardot, décédée dimanche à l’âge de 91 ans, a façonné la légende de Saint-Tropez, de Buzios au Brésil, a imposé un style vestimentaire fait de ballerines, d’imprimés vichy et de marinières et popularisé l’image d’une femme libre «qui n’a besoin de personne». «Je suis très fière de ma première partie d’existence que j’ai réussie et qui me permet maintenant d’avoir une notoriété mondiale qui m’aide beaucoup pour la protection animale», racontait-elle en 2024, à l’occasion de ses 90 ans.

En rupture avec sa famille bourgeoise, celle qui va bientôt être connue par ses seules initiales perce au cinéma dès l’âge de 18 ans, après une formation de danseuse et du mannequinat. En 1956, elle a 22 ans et crève l’écran dans un film réalisé pour elle par Roger Vadim, son mari : Et Dieu… créa la femme. Pieds nus et cheveux dénoués, elle y danse un mambo fiévreux sur une table alors que sa longue jupe s’ouvre jusqu’à la taille. Le film fait scandale, est d’abord mal accueilli en France, mais devient un phénomène aux États-Unis. Un mythe est né.

En 1965, Brigitte Bardot donne une conférence de presse aux États-Unis pour le film «Viva Maria!». (Photo : afp)

L’actrice, que les jeunes filles de l’époque rêvent d’imiter, va contribuer à la libération sexuelle dans une société encore très corsetée. Et devient la cible des ligues de vertus. Même Simone de Beauvoir est subjuguée. «Elle va pieds nus, elle tourne le dos aux toilettes élégantes, aux bijoux, aux parfums, au maquillage, à tous ses artifices. (…) Elle fait ce qui lui plaît et c’est cela qui est troublant», écrit l’icône féministe. Soixante ans après sa sortie, «B. B.» s’amusait encore du scandale provoqué par le film dans les milieux conservateurs : «C’était rigolo parce qu’en fin de compte, il n’y a rien de choquant!» «Le mambo que je danse a été totalement improvisé. J’ai laissé libre cours à mon instinct. J’ai dansé comme j’en avais envie, envoûtée par la musique, c’est tout! Ça vous épate, hein?», ajoutait l’actrice, assurant être restée indifférente au grand mouvement d’émancipation suscité par le film.

Bousculer les tabous

Poursuivie par des hordes de photographes, Bardot perd même toute vie privée (le titre d’un de ses films) lors de son accouchement en 1960. «L’hystérie autour de moi, c’était de la folie. La chambre d’accouchement installée dans ma maison, les photographes derrière les fenêtres, ceux qui se déguisaient en médecins pour me surprendre», racontait-elle des années après. «J’ai associé la naissance de mon fils à ce traumatisme», confiait-elle, revenant sur sa relation qui ne s’est développée que tardivement avec son fils unique, Nicolas, élevé par son père, l’acteur Jacques Charrier.

Des maris, l’icône en aura quatre : Roger Vadim (avec qui le tournage de Et Dieu… créa la femme signera la rupture), Jacques Charrier, le millionnaire de la jet-set Gunter Sachs et l’industriel Bernard d’Ormale, compagnon des derniers jours. Ainsi que des aventures, dont une avec Serge Gainsbourg, qui donnera naissance à un des titres les plus sulfureux de la chanson française : Je t’aime moi non plus. Son idylle avec «l’homme à tête de chou» sera au cœur de deux albums cultes en 1968, Bonnie and Clyde et Initials B. B. (parus après la fin de leur idylle) et Gainsbourg lui fera aussi chanter qu’elle n’a «besoin de personne en Harley Davidson», en microrobe de cuir et chaussée de cuissardes créées pour elle par Roger Vivier.

«B. B.» fait une apparition dans «Masculin féminin» (1966) de Jean-Luc Godard, trois ans après «Le Mépris». (Photo : afp)

Elle affiche dans la vie la même liberté que son personnage dans Et Dieu… créa la femme : «Une fille de son temps, qui s’est affranchie de tout sentiment de culpabilité, de tout tabou imposé par la société», disait d’elle Roger Vadim. Ce détachement, elle l’incarne à l’écran dans Le Mépris (Jean-Luc Godard, 1963), où, sous le soleil de Capri, face à Michel Piccoli, elle prononce, nue, la réplique devenue culte : «Tu les trouves jolies, mes fesses? Et mes seins, tu les aimes?» Pour le film, Jean-Luc Godard choisit d’habiller l’actrice en marinière. Si Chanel a converti ce vêtement militaire et masculin au féminin, c’est elle qui a donné une renommée mondiale à ce t-shirt rayé qu’elle a porté ample ou près du corps. Elle y arbore également un bandeau, devenu son autre marque de fabrique.

À la défense des animaux

Usée par la gloire, à la fois «formidable et invivable», l’actrice née le 28 septembre 1934 met brutalement fin à sa carrière cinématographique en 1973 pour se consacrer aux animaux. Sa deuxième vie se déroule dans le sud de la France entre sa propriété de La Madrague à Saint-Tropez, tranquille village de pêcheurs qu’elle a contribué à transformer en haut lieu de la jet-set, et l’arrière-pays dans une deuxième résidence à l’abri des regards, La Garrigue. «La Garrigue c’est mon bureau, La Madrague c’est ma détente», résumait-elle.

Dans la discrétion, Bardot y recueille des animaux en perdition et y gère sa fondation, créée en 1986. Avec pour combat : la défense des bébés phoques, l’abolition de l’abattage rituel, la fermeture des abattoirs de chevaux ou encore la défense des éléphants d’Afrique.

La défense des bébés phoques a été l’un des grands combats de Brigitte Bardot. (Photo : afp)

En vieillissant, l’effrontée du XXe siècle a épousé les thèses d’extrême droite et revendiqué sa proximité avec Marine Le Pen, patronne du parti Front national (aujourd’hui Rassemblement national), qu’elle soutient publiquement lors de la présidentielle de 2012, la qualifiant de «Jeanne d’Arc du XXIe siècle». Des déclarations sur l’homosexualité, les musulmans et l’immigration lui ont valu plusieurs condamnations pour incitation à la haine raciale, brouillant durablement son image.

Cinq rôles majeurs

Brigitte Bardot a mis un terme à sa carrière au cinéma en 1973, après environ 45 films, avec L’Histoire très bonne et très joyeuse de Colinot trousse-chemise, de Nina Companeez.

Et Dieu.. créa la femme (Roger Vadim, 1956)

Tourné à Saint-Tropez, où l’actrice s’est éteinte dimanche à l’âge de 91 ans, ce drame (interdit aux moins de 16 ans à sa sortie) est accueilli avec réserve par la critique française et une franche hostilité des milieux conservateurs. Triomphant aux États-Unis, il marque le début de la «Bardotmania» et va faire de la jeune femme de 22 ans un sex-symbol international. Durant le tournage, elle craque pour son partenaire, Jean-Louis Trintignant. En 1957, le couple Bardot-Vadim divorce.

La Vérité (Henri-Georges Clouzot, 1960)

Une jeune fille, volontiers provocante, est accusée du meurtre de son ancien amant. Au cours de son procès, l’histoire de sa relation avec la victime est reconstituée. «B. B.» développe dans ce drame une nouvelle facette de son jeu. Commence, pendant le tournage, une idylle avec l’acteur Sami Frey. Le tournage est pénible, le réalisateur Henri-Georges Clouzot pas commode. Pour Bardot, il «semblait que se déroulait son propre procès», comme si on jugeait sa «mauvaise réputation» et sa «légèreté». Le film sera toutefois, selon elle, «le chef-d’œuvre de (sa) vie d’actrice». L’actrice tente de se suicider peu après le tournage, comme son personnage le fait à la fin du film.

Le Mépris (Jean-Luc Godard, 1963)

Un scénariste et sa jeune femme semblent former un couple uni mais un incident apparemment anodin avec un producteur va la conduire à mépriser son mari. «B. B.» partage avec Michel Piccoli l’affiche de ce film culte de Jean-Luc Godard, tourné à Rome et à Capri, dans la fabuleuse villa de l’écrivain italien Curzio Malaparte. Les producteurs exigent, après avoir visionné un premier montage, de voir l’actrice davantage déshabillée. Ce qui aboutira à la scène entrée dans la légende dans laquelle elle se dévoile dans le plus simple appareil, demandant à son partenaire : «Tu les trouves jolies, mes fesses?»

Viva Maria! (Louis Malle, 1965)

En Amérique centrale, deux chanteuses de music-hall s’éprennent du même homme, un révolutionnaire. Dans cette parodie de western à grand spectacle, Louis Malle dirige Bardot et Jeanne Moreau, qui se respectent mais restent néanmoins professionnellement concurrentes. Si, au début du tournage, au Mexique, Jeanne Moreau tire la couverture à elle, en acceptant de poser pour les nombreux photographes présents et de parler aux journalistes, Brigitte Bardot, sous la pression de son agent, se rattrape ensuite en étant plus disponible envers la presse, jusqu’à remporter la bataille médiatique.

L’Ours et la poupée (Michel Deville, 1970)

Un violoncelliste myope et bougon rencontre Félicia, belle femme capricieuse et snob, quand la 2 CV du premier emboutit la Rolls de la seconde. Félicia tente de séduire le musicien, lequel reste insensible à ses manœuvres. C’est Jean-Pierre Cassel qui joue le rôle de l’ours mal léché. Le réalisateur Michel Deville réussit une comédie charmante autour de deux êtres que tout sépare, aux accents résolument féministes. Bardot, qui souhaitait relancer sa carrière qui battait de l’aile, s’amuse à jouer les ravissantes idiotes avec une belle spontanéité. «L’Ours et la poupée est un peu le Et Dieu… créa la femme des années 1970. J’ai été recréée par Deville», dira-t-elle.

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