Première édition, la semaine prochaine, du festival du Film subversif de Metz qui, à travers une riche programmation, espère susciter «la curiosité, l’échange» et, peut-être, changer les réflexes consuméristes.
Durant quatre jours, porté par The Bloggers Cinema Club, association cinéphile messine, le festival compte offrir une alternative au cinéma dit «classique» avec des films provocateurs ou esthétiques qui dérangent, et d’autres évènements satellites.
Alors que les superhéros en cape et les blockbusters vide cervelle envahissent les salles obscures, et que les grands exploitants deviennent des monstres tentaculaires, uniquement soucieux d’étendre leur monopole au détriment des petites structures, derniers bastions du cinéma d’art et d’essai, voilà une initiative qui, avouons-le, égaye un paysage cinématographique déliquescent. L’œuvre d’un collectif d’une «dizaine de personnes» réunies sous la bannière des Bloggers Cinema Club, association faite de curieux, sensibles à l’underground et aux films à la marge.
Ainsi, depuis 2013, le collectif de «passionnés» cherche à rendre visible ce qui reste dans l’ombre, car trop étrange ou trop vite retiré des affiches. D’où l’idée d’un festival, surprenant dans son essence même, comme l’explique sa directrice, Charlotte Wensierski : «Notre objectif est de mettre en avant des films qui ne trouvent pas facilement leur public, qui interrogent les gens», sans toutefois en faire trop. «On reste fidèle à ce qu’on aime et ce qu’on veut défendre.» Loin d’être sectaire, capable de passer des transes adolescentes d’un Larry Clark à l’anniversaire, l’année dernière, de Marty McFly (Back to the Future), le groupe aime rester libre dans ses coups de cœur, quitte à viser large, comme en témoigne ce terme, subversif, bien difficile à manier.
«Lors de nos premiers tours de table, ce mot revenait sans cesse, poursuit-elle. On aurait pu, comme ailleurs, créer un festival articulé autour d’un genre ou d’une nationalité. Mais ce côté provocateur, transgressif, scandaleux nous plaisait bien.» La notion, suffisamment large, «flottante» – le dictionnaire évoque un genre qui «bouscule les codes et les normes établies» – permet aux organisateurs de «conserver une certaine souplesse», histoire aussi que l’évènement ne soit pas un simple épiphénomène et s’installe durablement dans le temps.
Car, en effet, à voir la programmation proposée sur quatre jours, on se dit que le festival du Film subversif veut marquer les esprits, avec, prenons notre souffle : une compétition officielle (7 longs et 9 courts), quatre jurys (dont un, saluons-le, composé de détenus de la prison de Queuleu), des prix, des invités, des expositions, concerts et autres ateliers, une carte blanche (au Centre Pompidou-Metz), des rétrospectives et projections satellites (15 lieux d’accueil!), le tout régenté au «village» situé place Saint-Louis, centre névralgique sans lequel on pourrait se perdre…
Cris de bêtes et sous-sols
Charlotte Wensierski justifie cette densité : «Oui, on a envie de s’imposer, et comme on fréquente de nombreux festivals de cinéma, on est habitués à cette structure, avec compétitions et jurys.» Le résultat, selon elle : «Un festival qui se tient, attirant et bien construit» qui avancera à tâtons, «entre comédies et œuvres psychologiques». Autant de films réunis «intuitivement», en fonction «de leur qualité et de ce qu’ils peuvent apporter».
Elle poursuit : «On trouve aujourd’hui, à l’affiche, plus de films qu’avant. Paradoxalement, en raison des enjeux financiers, ils sortent rarement des codes. Libéré des contraintes, en tant que festival, on se doit de mettre en valeur des choses atypiques.» Nés dans la liberté du blog, The Bloggers Cinema Club poursuit donc sur la voie de l’impertinence, cherchant à interpeller le public, à le chatouiller, à le rendre curieux, à le chahuter, comme un sucre sur la dent cariée.
Son arme? Une sélection d’œuvres licencieuses et étranges, réalisée dans un panel d’une «cinquantaine de propositions» (pour les longs métrages) et quelque 400 courts. Parmi elles, la dérive d’une homosexuelle dans la Tchécoslovaquie des années 1970 (Moi, Olga, en avant-première française, présenté à la dernière Berlinale), film autoproduit qui «met mal à l’aise, mais de façon subtile», mais aussi des cris de bêtes (Aaaaaah), deux frères un peu trop tendus (Gudsforladt), un ovni onirique (La Chambre interdite) et encore un autre qui célèbre une famille disons, singulière… (Men and Chicken).
Les courts «officiels», eux, tisseront une large frise allant de «l’animation au montage vidéo en passant par la performance». Hors compétition, par exemple, on trouvera Cosmos, le dernier d’Andrezj Zulawski. Hors catégorie tout cout, dans le cadre d’une thématique sur le «gothique suburbain» – déclinée d’ailleurs dans deux expositions – la projection (à la Scala de Thionville) de Sous-sols, d’Ulrich Seidl (auteur de la trilogie Paradis), devrait valoir le détour. Des histoires de caves… et d’obsessions. En attendant que le festival s’attaque aux documentaires, absents de cette première édition, et à la Grande Région – «chaque chose en son temps!» – Charlotte Wensierski n’a qu’un seul souhait pour ces quatre jours de subversion : «Que les gens soient curieux, discutent et échangent autour des films», porte-voix des films oubliés et exclus.
Grégory Cimatti
Du 9 au 12 juin.