Andy Bausch, réalisateur phare du ciné grand-ducal depuis près de 40 ans, est de retour en salle avec Lost in the 80’s. Un documentaire subjectif sur la décennie des années 80 au Luxembourg.
Quatre-vingt-treize minutes pour raconter toute une décennie. Si le challenge n’a rien de nouveau pour Andy Bausch, à qui l’on doit déjà de nombreux longs métrages documentaires sur le Luxembourg du XXe siècle, il n’en demeure pas moins une sacrée performance que le réalisateur a une nouvelle fois réussie avec ce Lost in the 80’s.
Après s’être penché sur l’entre-deux-guerres, sur les années 40 et l’immédiat après-guerre, sur les années 50 et sur les répercussions grand-ducales de Mai-68 – qui au Luxembourg ont eu lieu au début des années 70 –, voilà qu’Andy Bausch plonge dans les années 80, les eighties, comme préfère le dire le cinéaste.
Une décennie intense au niveau du pays. L’ARBED, la plus grande entreprise du pays, est en crise. Le pays découvre alors le travail à temps partiel, l’impôt de solidarité, les licenciements… Le Grand-Duché trouve alors une bouée de sauvetage dans le milieu bancaire et la création de la place financière. Le Sud perd de son attrait et le boulevard Royal de la capitale est défiguré.
Une décennie pleine de changement
Un changement économique qui transformera en profondeur le pays. Lost in the 80’s le rappelle, comme c’est désormais la tradition dans les documentaires d’Andy Bausch, avec des images d’époque – très majoritairement tirées de l’émission Hei Elei Kuck Elei –, des interviews récentes face caméra de personnalités politiques, associatives, culturelles… qui racontent «leurs années 80» et avec quelques séquences de fiction.
Il sera donc question du Bommeleeër, de l’incendie de la flèche de la cathédrale Notre-Dame de Luxembourg, des manifestations contre la centrale nucléaire de Cattenom, de la naissance de l’écologie politique, etc. Mais Andy Bausch restant Andy Bausch, il était inimaginable pour lui de s’arrêter aux seuls faits politiques et événements sociaux sans s’intéresser à la culture, à la musique, au cinéma, à la naissance de la Kulturfabrik, à l’avènement des radios pirates, au début de la professionnalisation de tout un secteur.
«À l’époque, il n’y a que le cinéma, la musique et les demoiselles qui m’intéressaient. La politique ne me touchait pas, même si j’ai participé à une manif. C’était bien pour les caricatures que je faisais à l’époque pour de petits journaux étudiants ou le magazine de la KuFa, mais pour le reste… J’étais un peu au courant du Bommeleeër, mais bon, je m’en foutais un peu! J’étais dans un autre monde, je voulais voir tous les films qui sortaient, au lieu de vivre la réalité du moment», note le cinéaste avec une pointe de regret de n’avoir pas, à l’époque, «filmé un événement» ou «parlé avec telle personne».
Un film en toute subjectivité
Car, oui, la principale différence de ce Lost in the 80’s par rapport à ses précédents documentaires, c’est que le réalisateur a personnellement pris part aux années 80. Il est d’ailleurs question de lui, de ses réalisations et de son amitié avec Thierry Van Werveke dans le film. Le cinéaste fait même partie des personnalités interviewées; ce qui ne va pas sans soulever quelques questions, voire prêter le flanc à des critiques. Le réalisateur en est conscient, mais il assume.
Quoi qu’il en soit, l’effet nostalgique fonctionne à fond pour tous ceux qui ont vécu ces eighties au Luxembourg. Et pour les autres, le film est l’occasion d’apprendre beaucoup de l’histoire nationale récente. En toute subjectivité d’Andy Bausch, certes, mais tout de même…
Un apprentissage en douceur. Le film est dynamique, pêchu, rock’n’roll, pourrait-on même dire, un peu barré aussi. On passe donc vraiment un bon moment.
Pablo Chimienti