La découverte du squelette de Richard III, en 2012, reste très disputée. Avec The Lost King, Stephen Frears propose la meilleure version de l’histoire, celle d’une historienne amateure qui, à force de persévérance, a découvert seule les restes du roi.
Plus de quatre siècles après la publication de la pièce de William Shakespeare, le voile a été levé sur la figure de Richard III, que l’on connaît grâce au «Barde d’Avon» comme un roi tyrannique, probablement l’un des plus grands méchants de l’histoire, et sans doute l’un des plus célèbres de la littérature. Mais après deux années d’un règne trouble, Richard III, mort en 1485, lors de la bataille de Bosworth contre Henri Tudor, qui s’est emparé du trône d’Angleterre, a de quoi soulever bien des questions : pendant 500 ans, le corps du roi déchu est resté introuvable, laissant son seul souvenir à la réécriture de l’histoire par Shakespeare. Jusqu’au mois de septembre 2012, où le squelette du monarque a été découvert sous un parking de Leicester, au centre de l’Angleterre. Deux ans et demi plus tard, Richard III a enfin droit à son enterrement.
En bon monarque controversé, Richard III crée la controverse jusque dans la découverte de son corps, elle aussi sujette à de nombreuses contestations. Et voilà que Stephen Frears, 81 ans, qui a déjà porté par le passé les histoires d’Elizabeth II (The Queen, 2006) et de la reine Victoria (Victoria and Abdul, 2017) à l’écran, vient mettre son grain de sel dans l’affaire. L’acteur et scénariste Steve Coogan prévient : The Lost King «n’est pas un travail journalistique, c’est un point de vue». Celui de Philippa Langley, historienne amateure qui a quitté son travail de bureau pour plonger, jusqu’à l’obsession, dans la recherche de ce roi perdu. C’est elle qui a initié les recherches et découvert l’emplacement du corps du roi, marqué d’un «R». Mais l’université de Leicester n’a pas vu d’un bon œil la passion de la quadragénaire, au point de s’octroyer tout le crédit de la découverte.
Philippa Langley devient ainsi la nouvelle figure de la longue lignée de «héros non conventionnels» qui peuplent la filmographie de Stephen Frears, réalisateur de My Beautiful Laundrette (1985), Dangerous Liaisons (1988) et Philomena (2013). Déjà scénariste et protagoniste de ce dernier film, Steve Coogan a, le premier, rencontré la «découvreuse» du roi perdu : «Quand je l’ai rencontrée, en 2014, elle m’a raconté son histoire. Il semble qu’elle a découvert (le corps de Richard III) plus ou moins toute seule, ce qui n’est pas la façon dont les médias ont présenté l’histoire (…) J’ai senti que son histoire avait été gommée, que la version officielle l’avait rendue invisible. Pour moi, c’était une grande injustice (…) de la même manière que l’histoire de Richard III avait été réécrite par Shakespeare.» Le chemin de Philippa – interprétée dans The Lost King par une formidable Sally Hawkins – est long et passionnant : elle s’improvise historienne (brillamment), joint la Richard III Society, un groupe de passionnés et curieux qui cherchent à réhabiliter le roi de l’histoire réécrite par les Tudor et, plus tard, Shakespeare, et se confronte aux plus éminents intellectuels sur le sujet pour prouver, en fin de compte, que c’est elle qui avait raison. Quitte à être effacée du récit final.
«L’histoire est racontée de son point de vue, nous n’avons pas à nous en excuser, martèle Steve Coogan. L’université (de Leicester) a eu droit à sa version, maintenant, c’est au tour de Philippa. C’est aussi simple que ça.» Stephen Frears renchérit : «Il était difficile de croire (ce que les universitaires) disaient, du genre, « on a payé pour ça ». En fait, non. L’argent est arrivé par des chemins plus complexes, et beaucoup moins flatteurs pour eux. Ils ne se sont pas très bien comportés, certains d’entre eux le savaient.» Plus encore que la victoire d’une femme célibataire sur un milieu d’hommes, The Lost King célèbre la victoire de la passion sur l’académisme et ses travers. Mais si cet autre point de vue amène de nouvelles pièces au puzzle, les nombreux mystères entourant Richard III et sa mort persistent. Et si Stephen Frears se réjouit d’être «à fond pour les films qui attaquent Shakespeare», il reconnaît que «Richard est bien plus intéressant dans la peau du méchant». Steve Coogan tranche : «Quelle que soit la vérité, nous n’en aurons qu’une version tronquée.»