Danny Boyle et Alex Garland vont-ils une nouvelle fois révolutionner le film de zombies? Réponse avec 28 Years Later, suite de leur film culte de 2002 et point de départ d’une nouvelle trilogie.
En 2002, 28 Days Later ramenait les zombies à la vie, plus que jamais auparavant. Des morts-vivants qui courent? Même les puristes qui vénéraient George A. Romero, jusqu’alors seule autorité «zombiesque» du cinéma grâce aux chefs-d’œuvre Night of the Living Dead (1968) et Dawn of the Dead (1978), n’ont pas eu besoin de beaucoup d’arguments pour être convaincus. Au début du XXIe siècle, les créatures en question étaient passées de mode depuis une bonne vingtaine d’années, et tout ce que Romero dénonçait à travers elles – le racisme, l’individualisme, la société de consommation, la communication à sens unique entre les classes dirigeantes et les masses, la guerre froide – semblait appartenir à un autre temps, au moment où internet et le 11-Septembre redéfinissaient l’équilibre du monde.
Avec 28 Days Later, le réalisateur Danny Boyle et le scénariste Alex Garland proposaient, plus qu’un film de zombies traditionnel, un drame postapocalyptique où l’horreur prend plutôt place du côté des survivants que des infectés assoiffés de sang.
«28 Days Later était un film totalement dénué de cynisme, avec une sensibilité punk», analyse à deux décennies de distance Alex Garland. On ne pouvait pas se permettre de se lancer dans une suite avec un esprit cynique.» Le duo a choisi la «direction opposée» de la recette habituelle des suites de films à succès, «par exemple l’instrumentalisation du virus par une organisation militaire ou gouvernementale», ou «sa propagation à travers l’Europe et le monde», ajoute Danny Boyle dans une interview au site IGN. Il est vrai que le carton planétaire de 28 Days Later, outre le fait qu’il a déclenché un revival du film de zombies (World War Z, le remake de Dawn of the Dead, I Am Legend, les comédies Zombieland et Shaun of the Dead…), a donné lieu à une suite, 28 Weeks Later (Juan Carlos Fresnadillo, 2007), dont la fin laissait apercevoir que le virus commençait à toucher le reste du continent européen.
Pour leur retour aux commandes de leur saga culte, Boyle et Garland ont été plutôt inspirés par des actualités récentes, qui selon ce dernier «semblaient plus en phase avec ce que nous avions fait il y a une vingtaine d’années» : le Brexit, véritable coupure politique, économique et sociale du Royaume-Uni par rapport au reste de l’Europe, et les images bien réelles de Londres désertée au début de la pandémie de Covid-19, semblables à celles que Boyle avait mises en scène en ouverture de 28 Days Later. Au magazine Time, le réalisateur explique : «Nous voulions faire quelque chose qui nous force à regarder notre propre terre (…) Comme dans le premier film, tous les personnages sont britanniques et ils doivent résoudre ces problèmes eux-mêmes. Il n’y a pas de force extérieure qui va venir les sauver.»
Ce ne sont plus des morts revenus à la vie, mais des vivants qui sont contaminés
Si 28 Days Later a eu l’effet d’une petite révolution dans le domaine du cinéma d’horreur, en 2025, les éminences grises derrière la saga ont surtout porté leur attention sur l’idée d’évolution. Celle de la Grande-Bretagne, complètement ravagée près de 30 ans après les évènements du premier film, alors que ce nouvel opus se concentre sur une communauté de survivants isolés sur une petite île au large de la côte nord-est de l’Angleterre, sans électricité, sans gaz ni essence, et pour qui, dit Danny Boyle, «le continent est une chose lointaine, à la fois une promesse et une menace». Celle des infectés, ensuite, qui «ne sont plus des morts revenus à la vie», mais «des vivants qui sont contaminés», indique Alex Garland. «Cela implique plusieurs choses : ils doivent boire, se nourrir… S’ils ont survécu 28 ans en étant porteurs du virus, à quoi ressemblent-ils?»
Celle, enfin, des avancées technologiques du cinéma, dont Danny Boyle se tient toujours très au fait. Alors que 28 Days Later avait été filmé en vidéo, avec des caméras DV qui conféraient presque un aspect documentaire au premier film, le nouveau, encore avec le chef opérateur Anthony Dod Mantle, est tourné à l’iPhone 15 Max, avec un système permettant de capturer une scène avec jusqu’à 20 caméras filmant simultanément. De quoi «donner une vision de l’action à 180 degrés, et, lors du montage, de choisir n’importe quelle perspective (…) Comme c’est un film d’horreur, on utilise (cette technique) pour souligner l’impact des scènes violentes.» Le côté immersif de la mise en scène, dit Boyle, projette le spectateur «dans un nouveau monde, plutôt que de le laisser penser qu’il a déjà vu cela auparavant».
On pourrait reprendre les dires du cinéaste pour le compte de toute la série de films, dont chaque volet présente un autre groupe de survivants dans un coin différent du pays. Sur Holy Island, le petit bout de terre qui sert de décor à 28 Years Later, les héros sont une famille, menée par Aaron Taylor-Johnson et Jodie Comer, qui cherche à rejoindre le pays, sans rien savoir de l’état dans lequel il a été laissé toutes ces années. Leur histoire, plutôt qu’offrir un dénouement à la saga, sera en réalité «le commencement d’une nouvelle trilogie», indique Danny Boyle. Alex Garland, devenu depuis sa précédente collaboration avec Danny Boyle (Sunshine, 2007) un cinéaste de grand talent (Ex Machina, Annihilation, Civil War…) – quand son collègue a lui enchaîné les films multirécompensés : Slumdog Millionnaire (2008), 127 Hours (2010), Steve Jobs (2015) –, écrira les deux films suivants. Le prochain volet, filmé dans la foulée de celui-ci et dont la réalisation a été confiée à l’Américaine Nia DaCosta, est attendu pour janvier 2026. Avec un autre argument de choix : le retour de Cillian Murphy, héros du premier film, au cœur d’une «plus grande histoire de rédemption».
28 Years Later, de Danny Boyle.