Un homme qui affirme que « la poésie a disparu de nos écrans » est forcément intéressant à rencontrer. Christophe Malavoy, le président du jury du 38e Festival du film italien de Villerupt, en dit un peu plus ici…
Plus de 80 films et téléfilms comme acteur, 4 comme réalisateur, une vingtaine de pièces de théâtre, une dizaine de romans ou d’essais, une bande dessinée : on peut tranquillement qualifier le président du jury officiel de cette 38e édition de poids lourd de la culture française. Christophe Malavoy découvre le Festival du film italien ce week-end et il a plein de choses intéressantes à dire. La preuve.
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Connaissiez-vous le Festival ?
Christophe Malavoy : « J’en avais entendu parler, mais je ne connaissais pas son importance, ni l’importance de cette communauté italienne dans la région. On peut et on doit le redire haut et fort, surtout à notre époque : oui, la diversité est une richesse en soi, et même une nécessité. Aller à la rencontre d’autres façons de penser fait bouger les idées, et empêche le monde de devenir inerte, figé. Le Front national a des propositions dangereuses qui n’apportent aucune solution. Il ne fait que surfer sur la différence et la misère. Et on sait ce que ça a donné dans les années 1930. Le cinéma ou le théâtre doivent alors éveiller les consciences. On ne peut pas que rester chez soi à regarder la télé. Il faut provoquer les échanges. »
Quel est votre rapport à la Lorraine ?
« Mes ancêtres viennent de là, de Domrémy. Quand la région est devenue allemande, ma famille est partie se réfugier dans le Béarn. J’ai de l’affection pour l’Alsace-Lorraine.
Et j’ai beaucoup travaillé sur la Première Guerre mondiale, qui fut en fait la décision de quelques-uns appartenant à la même famille, et non des populations. Je suis allé sur les champs de bataille, comme en Meuse, où il y a encore les traces, les objets, les tranchées… Quand on est sur les sites, on se tait. C’est au-delà des mots, malgré les grands noms qui ont écrit de grandes choses comme Cendrars, Giono, Barbusse, etc.
Voilà pourquoi on a un devoir de mémoire. Dans la vie, on apprend, pour se faire notre opinion, on se remet en cause, on creuse notre propre sillon de connaissance. Et on transmet. On a alors le sentiment d’être utile. On fait plus que seulement consommer. C’est ce que j’essaie de faire avec la BD, le théâtre, les films. »
Lors de la soirée d’ouverture, vous avez dit que vous avez grandi avec le cinéma italien. Quels effets a-t-il eu sur vous et votre carrière ?
« J’ai été apprenti comédien dans les 1970, c’est-à-dire pile à la belle époque de ce cinéma, avec Fellini, Risi, Visconti, Antonioni. J’ai été touché par sa dimension poétique, qui m’a convaincu que c’était ce métier que je voulais faire. Il n’y a pas d’œuvre majeure sans poésie, car elle nous touche au plus profond de nous, nous capte, nous retient. Et dans le même temps, les Italiens abordaient des thèmes sérieux, politiques, sous une forme tragicomique. Les larmes et les rires entremêlés en ont fait sa force. Et je crois qu’aujourd’hui, il revient en force.
J’ai joué pour Cristina Comencini ou Massimo Guglielmi, et j’ai découvert d’autres façons de réaliser les films. Les choses se font au dernier moment, dans une forme d’improvisation. On s’adapte. Et le résultat est surprenant. »
Sébastien Bonetti (Le Républicain lorrain)