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Chimène Badi : «J’ai eu envie de reprendre le contrôle sur ma vie»


Après bientôt 18 ans de carrière et une période compliquée, Chimène Badi a plus que jamais retrouvé l'envie et assume pleinement ses choix. (photo dr)

La chanteuse est de retour avec un nouvel album, sobrement intitulé Chimène. Porté par le titre Là-haut, le disque est le fruit de rencontres et de l’envie de se tourner vers les autres. Après bientôt 18 ans de carrière et une période compliquée, Chimène Badi a plus que jamais retrouvé l’envie et assume pleinement ses choix. Rencontre avec une artiste épanouie.

Cet album est vivant et lumineux. C’était votre objectif?

Chimène Badi : Tout à fait. Je voulais quelque chose qui me fasse du bien. Mon album précédent Au-delà des maux était particulièrement personnel. Je pensais que ce serait un exutoire mais dès que je montais sur scène, je souffrais. Je vis vraiment mes chansons. De plus, ce disque n’a pas trouvé son public, cela a été très compliqué et j’ai mis du temps à m’en remettre.

Comment est née la chanson Là-haut avec laquelle vous êtes revenue?

J’ai rencontré Alain Corson qui m’a fait écouter plein de titres et au moment de partir, il me dit en avoir un dernier à me faire écouter. Les paroles commencent et j’ai aussitôt su que c’était la chanson. Elle me rappelait quelqu’un que j’avais perdu à ce moment-là un an jour pour jour, d’une leucémie foudroyante. Dans ce texte, je retrouvais cette personne, qui me disait de me faire confiance. C’était une personne qui m’avait toujours portée, comme un deuxième papa.

Elle a été un signe et un déclic?

Ce titre Là-haut avait ce côté un peu mystique et cela a été ma motivation. Et je savais que je ferai cette aventure de Destination Eurovision avec cette chanson. Elle m’a fait un bien fou. Elle m’a montré le chemin à prendre et m’a redonné l’envie d’aller en studio. Elle a déjà une forme d’espoir que j’aime beaucoup.

Comment est né ensuite ce disque?

J’ai pris rendez-vous avec ma maison de disques et je suis arrivée avec les trois titres sur lesquels j’avais posé ma voix, Là-haut, La Somme de toutes nos peines et Silence on tourne. Pour la première fois, j’allais présenter mon travail toute seule. J’avais travaillé en studio, j’apportais un projet et j’étais fière de moi. Tout le monde a écouté et aimé ces titres. Ils m’ont suivi autant pour l’Eurovision que pour l’album.

Un mot sur Destination Eurovision. Comment avez-vous vécu cette expérience?

C’était merveilleux. Je n’avais jamais chanté avec autant d’envie et de rage positive. Je savais que je ne gagnerais pas. La semaine de la finale, c’était clair. Mais j’ai aimé vivre toutes ces émotions. Après 17 ans de métier, certains pensaient que je n’en avais pas besoin. J’adore les défis, le public votait et je voulais savoir où nous en étions lui et moi. J’ai été directement en finale, les gens m’ont soutenu et ça m’a fait du bien. Je dirais même que beaucoup d’artistes avec des années de carrière pourraient le faire aussi, cela remet les pendules à l’heure. Il y a une forme d’humilité dans cette démarche, qu’Emmanuel Moire a eue également.

Quel est le message de l’album?

J’ai eu essentiellement envie de parler des autres, même si cela implique de parler aussi de soi. Ce qui m’arrive peut arriver aux autres et inversement. Un artiste passe aussi par des épreuves, des moments douloureux et nous ne sommes pas intouchables. J’ai eu envie de rappeler que quoi qu’il arrive, si on le veut, si on le décide, tout va bien.

C’est un album tourné vers les autres et on retrouve un titre très personnel Juste une femme dans lequel vous abordez votre choix de ne pas avoir d’enfant.

Ce n’était même pas prévu que j’aborde ce thème. Un soir, pendant le séminaire, quelqu’un me demande si j’ai des enfants. Je dis que non et que je n’en veux pas. J’explique ensuite que la société d’aujourd’hui ne me rassure pas, que l’idée d’avoir un enfant dans ce monde-là me rendrait malade et que j’aurais peur de polluer la vie de mon enfant. J’ai inévitablement l’instinct maternel sinon je ne penserais pas comme ça. Il y a aussi le fait que de porter un enfant n’est pas une chose dont j’ai envie. À partir de 34-35 ans, les gens nous harcèlent sur ça et il faut arrêter de vouloir nous faire croire qu’être une femme accomplie est être mère.

C’est ainsi un message que vous portez sur ce disque. Une façon aussi de vous adresser aux autres, aux femmes notamment?

J’ai voulu mettre ce titre sur l’album car il y a beaucoup de femmes comme moi et qui ne doivent pas se penser comme différentes. C’est merveilleux d’avoir des enfants et tout va bien aussi si on n’en veut pas. C’est une liberté. Je pense d’ailleurs que c’est un des derniers tabous de notre société.

Vous avez connu un succès rapide. Comment l’aviez-vous vécu au départ?

Sur le coup, je n’ai vraiment rien compris. Dans la naïveté qui me caractérisait à l’époque, je pensais aller sur scène et chanter. J’avais oublié que je devais défendre mon disque à travers des médias, à travers la télé et que je devais affronter les jugements. J’avais un succès fou et j’étais malheureuse comme les pierres. Je ne me sentais pas à ma place et cela a pris du temps avant que je me fasse confiance.

À quel moment vous êtes-vous fait confiance?

Il y a eu des périodes de ma vie où je me suis fait confiance puis je l’ai perdue. Sur Gospel & Soul, j’en avais beaucoup, je me sentais bien dans mes pompes et en accord avec mon projet. C’était mon idée et c’était un album récréatif dans lequel je reprenais les artistes qui m’avaient donné envie de faire ce métier. Le public avait en plus bien répondu présent sur ce disque. Depuis plusieurs mois, je me sens bien ancrée. Je fais confiance à mon instinct et je pense avoir fait les bons choix. Pour une fois, on m’a totalement laissé m’assumer en tant qu’artiste.

Vous travaillez désormais sans manager. Une façon aussi d’assumer votre liberté ?

Tout à fait. J’ai eu envie de reprendre le contrôle sur moi et sur ma vie. Les gens essaient souvent de vous transformer et de vous emmener là où vous ne devriez pas être. On peut se perdre et ne plus savoir qui on est. J’ai mis du temps. C’est aussi ce que j’exprime avec Là-haut, «Qui peut nous dire qui nous sommes, rien, ni personne…». Je fais passer des messages dans cet album et ils racontent aussi ce que j’ai vécu ces cinq dernières années. J’ai juste voulu le faire de façon lumineuse  avec des titres comme Ce qui m’anime et Avance.

Nikolas Lenoir