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« Chercher le garçon » : la figure masculine interrogée


Que veut dire « masculin » aujourd’hui ? Une exposition au Musée d’art contemporain du Val-de-Marne pose la question à travers les oeuvres, parfois dérangeantes, d’une centaine d’artistes hommes qui « cherchent le garçon » en mettant en cause modèles établis et valeurs traditionnelles.

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Le Mac Val, dont la collection compte quelque 2 000 oeuvres de plus de 130 artistes, fête en 2015 son dixième anniversaire. (Photos : DR)

« Les hommes, on ne les entend jamais, on ne leur donne pas la parole ou ils ne la prennent pas », affirme Frank Lamy qui a conçu l’exposition « Chercher le garçon » (du 7 mars au 30 août). Le corps, souvent vieillissant ou morcelé, le travestissement, la fiction autour de soi, les icônes masculines – automobile, armes à feu, trophées sportifs -, autant de chemins empruntés par ces créateurs pour « déconstruire » l’image du mâle dans notre société.

Michel Journiac (« Hommage à Freud ») se transforme en sosie de ses propres parents et Emilio Lopez-Menchero se réincarne en « Balzac » de Rodin. Gilles Barbier sculpte un « Clone femelle », troublant mélange anatomique entre homme et femme, Philippe Ramette (« L’ombre de moi-même ») présente une installation où un classique costume masculin projette l’ombre d’un homme nu.

L’exposition s’affirme comme plurimédia, associant peinture, sculpture, installations, photographie et vidéo, mais ces dernières ont la part belle. « Il y a trois axes, explicite Frank Lamy, un axe iconographique – comment travailler son image, comment se représenter -, un axe existentiel – faire de sa vie une oeuvre d’art à l’instar de l’univers romanesque du peintre Jacques Monory – et un axe sur des formes qui ont à voir avec le mineur, l’inutile ou au contraire l’excès, le grotesque ». Jeremie Bennequin estompe tous les jours une page de « A la Recherche du temps perdu » et présente en parallèle un tas de pelures de la gomme utilisée.

> Envie de forcer le trait

Le chef d’oeuvre de Proust, Sepand Danesh a décidé, lui, de le recopier ligne à ligne sur la page même du livre. Hubert Renard s’est inventé une carrière idéale d’artiste, imitant jusqu’au graphisme années 60 des (faux) cartons d’invitation pour les vernissages. « Je fais un parallèle entre la figure du mâle dominant et celle de l’artiste moderne » et « Hubert Renard met en crise toutes ces formes d’autorité », explique Frank Lamy.

Selon lui, l’exposition présente « un certain nombre d’atteintes à la figure romantique, utopiste de l’artiste moderne ». Pourquoi avoir exclu les artistes femmes de ce questionnement de la masculinité ? « C’est un point de départ, il y a certainement d’autres expositions à faire, j’avais un peu envie de forcer le trait et puis on ne peut pas poser toutes les questions en même temps », ajoute le commissaire de l’exposition.

« Ils aiment parler des femmes, les hommes. Ça leur évite de parler d’eux. Comment expliquer qu’en trente ans aucun homme n’a produit le moindre texte novateur sur la masculinité ? », interroge Virginie Despentes, dans un extrait de son livre « King Kong Theory » placé en exergue de l’exposition. « De quelle autonomie les hommes ont-ils si peur qu’ils continuent de se taire », ajoute-t-elle.

AFP