Près d’un an après les attaques de Charlie Hebdo et de l’Hypercasher, Daniel et Emmanuel Leconte réalisent, avec L’Humour à mort, un documentaire brouillon sur l’après 7 janvier.
Daniel Leconte avait réussi, avec C’est dur d’être aimé par des cons, un documentaire intéressant sur les états d’âme d’une rédaction un peu particulière, celle de Charlie Hebdo, après la publication de caricatures de Mahomet. Face caméra, les dessinateurs de l’hebdomadaire témoignaient alors sur les conséquences de leurs choix, sans se douter alors du funeste destin qui les attendait.
Sept ans après, avec les rushes non utilisés de ce film, mais aussi avec des images des manifestations du 11 janvier et de nouveaux entretiens, Daniel et Emmanuel Leconte tentent de condenser en 1h30 onze mois d’une actualité dramatique. Sans réelle homogénéité, ils convoquent tour à tour des images des attentats, d’autres conférences de presse, le tout enrobé d’une voix off pesante et condescendante.
Sans réel projet, ils mélangent le tout en convoquant Coco et Riss, deux des rescapés des attaques, mais aussi Élisabeth Badinter ou encore Philippe Val, historiographe officiel de Charlie depuis que la rédaction a été dévastée par les frères Kouachi. Et la directrice des ressources humaines du titre d’apparaître, puis l’ancien professeur de philosophie du Lycée musulman Averroès. Leurs témoignages valent par ce qu’ils disent mais partent en tout sens, parfois interrompus par le réalisateur. Et surtout, ils ne font pas un film.
Un temps révolu
Au contraire, le film, on l’aperçoit, furtivement, lorsque la caméra des réalisateurs a la chance d’être au cœur des préparatifs du numéro des survivants, le fameux Charlie Hebdo su 14 janvier. À cet instant, on regrette que ce documentaire ne se soit pas concentré sur cet événement, ce formidable acte de résistance que fut la sortie, malgré tout, de Charlie Hebdo, le 14 janvier. Cet instant de grâce où, portés par la douleur, par le chagrin, les rescapés se sont épuisés pour «tout pardonner».
Au lieu de ça, la mayonnaise tourne au vinaigre, avec des injonctions aux musulmans, en voix off, à se lever contre l’extrémisme, des maladresses lorsqu’il s’agit de recueillir les témoignages précieux des premiers témoins du drame, ou encore lorsque les réalisateurs choisissent de montrer les images de la conférence de presse de la famille d’Ahmed Merabet, le policier froidement abattu par les Kouachi.
Bien entendu, il reste des images d’archives remarquables de ces trognes impossibles, de ces fous joyeux qu’étaient Cabu, Wolinski, Charb, Tignous ou Honoré. Ces images de fêtes, ces images d’innocence, lorsqu’ils pouvaient, libres, se promener dans les rues sans protection policière, deviser sur un bout de trottoir sans craindre les fous d’Allah. La nostalgie qui point montre alors du doigt la terrible dérive paranoïaque et sécuritaire de nos sociétés, après les attentats du 13 novembre.
Des attaques dont il n’est pas fait mention, le montage du film s’étant achevé quelques jours plus tôt. Un malencontreux hasard de calendrier qui achève de donner à cette entreprise un aspect brouillon, et de faire regretter l’absence de parti-pris au profit d’un assemblage d’images qui ne fait pas sens.
Christophe Chohin