Trente intellectuels marocains ont décidé de s’unir pour écrire ensemble un livre, qui vient de sortir dans le royaume et doit paraître prochainement en France, pour exprimer leur stupeur mais aussi dénoncer les amalgames après l’attaque meurtrière contre « Charlie Hebdo ».
Dans un jeu de mots, cet ouvrage, présenté cette semaine au salon du Livre de Casablanca, s’intitule « Ce qui nous somme : réflexions marocaines après les évènements des 7 au 11 janvier 2015 à Paris ». (Photos : AFP)
« La manifestation du 11 janvier (qui a réuni plus d’un million de personnes à Paris pour dénoncer les attaques, nldr), c’était magnifique. Mais, dès le lendemain, des amalgames se sont produits et on a oublié un peu l’essentiel. J’en étais malade », explique l’éditeur Abdelkader Retnani (« La croisée des chemins »).
> Condamner la barbarie
Il discute alors « longuement avec des amis », et l’idée germe. « Un livre ! De ceux qui s’écrivent vite… Avec du coeur, de la raison », résume l’éditeur en préambule des 30 contributions d’écrivains, historiens ou politologues qui composent l’ouvrage.
Comme lui, beaucoup sont empreints de « culture marocaine mais aussi française », symbole des liens humains étroits qui unissent les deux pays. « Ce qui nous somme » s’ouvre par « une condamnation sans équivoque des barbaries », mais les textes sont ensuite d’une grande diversité, souligne encore Abdelkader Retnani.
« J’espère qu’il permettra d’ouvrir des chantiers de réflexion communs par-delà les peurs, les bêtises et les préjugés », déclare de son côté Driss el Yazami, président du conseil national des droits humains (CNDH).
> « Je ne parle pas le même français que certains propagandistes de l’islamophobie »
Dans sa contribution « Solitude de l’intellectuel de culture musulmane », l’écrivain Tahar Ben Jelloun estime également qu' »on ne peut plus se taire ou se contenter de dire « ce n’est pas ça l’islam » ».
Il évoque sans détour le dilemme né du « grand écart entre sa liberté de conscience dont il jouit en France et l’appartenance à la Oumma islamya (communauté musulmane) qui ne lui permet pas d’exercer cette liberté ». « Je n’approuvais pas la publication de ces caricatures tout en reconnaissant à leurs auteurs le droit de les faire et de les rendre publiques », écrit-il.
D’autres textes sont nettement plus amères, notamment face aux actes islamophobes enregistrés en France. « Je ne parle pas le même français que certains propagandistes de l’islamophobie. (…) Le français qui est le mien est celui des Lumières, cette part universelle de la France qu’elle est en train de dilapider », assène Mohammed Ennaji, historien, sociologue et économiste.
AFP