La prochaine saison, le Théâtre d’Esch-sur-Alzette garde sa philosophie, entre «comédies légères», théâtre plus savant et coopération avec ses pairs du Luxembourg. C’est ce qu’a défendu mardi son directeur, Charles Muller.
Avec ses 31 147 spectateurs enregistrés l’année dernière –un chiffre conforme «à la normale»– le Théâtre d’Esch garde le rythme et se projette déjà sur la prochaine saison avec, à l’horizon, l’année culturelle 2022.
Comme dans les familles où les repas dominicaux dérapent entre le digestif et le café, les assises culturelles, le week-end dernier, n’ont pas épargné celle du théâtre luxembourgeois. L’un de ses vétérans, Charles Muller, directeur du théâtre d’Esch-sur-Alzette, pointé du doigt pour une programmation «sans idée aucune» et préférant privilégier l’étranger que la richesse nationale, a tenu à répondre mardi, lors de la présentation de la prochaine saison.
«Si on voudrait insinuer qu’un directeur de théâtre, en fin de carrière, est devenu commode, lassé, fatigué, quasiment avec les deux jambes dans la tombe, je peux rassurer la personne qui s’inquiète sur mon avenir artistique : je suis bien vivant et j’aime mon travail!», lâche-t-il les lèvres serrées, toute rage contenue. Un constat qui s’applique aussi à «son» établissement, vaillant depuis plus de 50 ans d’existence, et qui emploie 47 personnes, «ce qui est admirable pour une si petite ville», poursuit-il, plus léger.
«La première invitation du TOL»
Quelques chiffres étayent cette réponse mordante, avec les 31 147 spectateurs enregistrés l’année dernière, dont près de 8 000 jeunes, grâce à une programmation répondant aux demandes d’un public hétérogène, «émancipé» comme novice. Charles Muller poursuit : «Il en faut pour tous les goûts et les couleurs! Si on met à l’affiche des comédies légères – souvent à guichets fermés d’ailleurs –, c’est pour répondre à une demande populaire. En même temps, elles nous permettent de programmer des pièces de Samuel Beckett, Dennis Kelly, George Tabori et Chris Thorpe.»
Mieux, avec 69 spectacles étalés sur 102 soirées et matinées en 2016/2017, le Théâtre d’Esch maximise les coproductions nationales, philosophie nécessaire en ces temps de contraintes budgétaires, et simplement essentielle au vue de l’étroitesse du pays (voir ci-dessous), avec notamment «la première invitation du TOL» avec Les Lois de la gravité. Une création, Mood(s), célébrera même le «retour» de la chorégraphe Anu Sistonen. Dans la même idée, avec Bilder deiner großen Liebe, théâtre d’objets de Milla Trausch, le Théâtre d’Esch-sur-Alzette dit «encourager» un jeune musicien du cru, le «talentueux» percussionniste Luc Hemmer.
Bien sûr, il y a aura des invités d’ici et d’ailleurs – comme Patrice Thibaud (Franito), le «grand cabarettiste politique allemand du moment, au ton acide et grave», Jochen Malmsheimer et encore Philippe Caubère, «pilier du théâtre du Soleil et grand comédien» (Bac 68) – mais cette programmation fait aussi dans la récidive. On retrouvera ainsi les clowns russes de Semianyki, on célébrera la mémoire de Guy Wagner un an après sa disparition (17 mai 2017) et le Radu Stanca de Sibiu, fidèle compagnon depuis 2007, sera doublement à l’honneur (Les Voyages de Gulliver et Die Goldberg-Variationen).
Charles Muller envisage même de remontrer les Métamorphoses d’Ovide, «toujours joué en Roumanie», dont la mise en scène de Silviu Purcarete a été un franc succès il y a maintenant dix ans. «Je veux montrer la durabilité d’un tel projet.» Un moyen aussi de rappeler qu’en 2022, l’histoire se répète et qu’on remet ça avec un partenaire lituanien (Kaunas).
Grégory Cimatti