Depuis dix jours, vingt personnes participent au montage de la nouvelle exposition qui doit ouvrir le 11 février à Pompidou Metz. Sublime explore notre fascination mêlée de terreur face à la tourmente des éléments.
Dix jours à peine après le début du montage de l’exposition Sublime, les tremblements du monde qui doit ouvrir le 11 février, c’est encore le papier qui accroche le regard. Tantôt il protège les œuvres de la lumière en attendant qu’on règle leur éclairage. Tantôt, il marque l’emplacement d’une œuvre à venir.
Ces papiers-là ont un nom : les fantômes ! « Un camion contenant des œuvres doit encore arriver aujourd’hui en fin d’après-midi », précise Eléonore Mialonier, chef de projet au centre Pompidou Metz. « Les œuvres de l’exposition ont été convoyées dans dix camions : trois pour les prêts français et un pour chaque pays, les Etats-Unis, les Pays-Bas, l’Italie, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Espagne et la République tchèque », poursuit-elle.
Mer démontée
À travers près de 300 œuvres – peintures, films, photos, cartes postales – provenant de Pompidou Paris mais aussi de musées aussi prestigieux que la Tate à Londres ou le MoMA à New York, le musée messin s’intéresse au renouveau de la notion de sublime. « C’est une notion esthétique née au XVIIIe siècle à un moment où il y a de grandes explorations, où l’on s’émancipe du discours religieux pour expliquer les origines du monde et où on parle de romantisme », rappelle Hélène Guénin, commissaire de l’exposition. « Le sublime, c’est notre sentiment de petitesse face à l’immensité de la nature et à son déchaînement, une fascination mêlée de terreur. »
Considéré comme le maître de la mer démontée, le peintre britannique William Turner a très logiquement trouvé sa place dans cet ensemble qui rassemble des œuvres d’une centaine d’artistes du monde entier, allant de Leonard de Vinci à Richard Misrach. Restaurateur indépendant, Claude Wrobel a fait le constat de l’œuvre de Turner à son arrivée au centre.
« J’ai d’abord eu un regard global sur ce tableau puis sectorialisé : je suis rentré dans chaque centimètres carrés. J’ai parcouru sa matérialité, sa composition et détecté tout ce qui se passe. Il a, par exemple, été rentoilé à la cire parce qu’on constate, à un endroit, un empâtement. »
Si, ce matin, le professionnel prend le temps de souffler dans l’attente du prochain convoi, Julia Kravtsova, elle, va et vient dans la galerie. Elle travaille les ambiances d’éclairage comme ici sur ce capot qui protège une maquette de David Green mais fait des ombres…
Un peu plus loin, on entend les visseuses des six membres de l’entreprise LP Art qui continuent l’accrochage d’œuvres tout juste déballées. Pour travailler à l’installation minutieuse de l’œuvre de Cornelia Parker – des pierres suspendues qui donnent l’impression d’un éboulement – les deux convoyeurs d’Arts council, une grande collection anglaise, ont coupé temporairement l’accès à leur salle.
« Notre rôle, c’est de coordonner tous ces corps de métier », confie Annabelle Lacour, assistante de production. « Et aussi de suivre les prêts : on organise le transport et on s’occupe des assurances », poursuit la chef de projet. Sur ce dernier point, le secret est bien gardé. « Ce ne sont pas forcément les œuvres les plus prestigieuses qui ont les assurances les plus chères », lâche Eléonore Mialonier, précisant que certains prêteurs imposent leur assureur quand d’autres font confiance à celui du centre, le courtier anglais bien connu dans le métier, Black Wall Green.