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A Neimënster : le slam humaniste de Grand Corps Malade


L'artiste est ce jeudi soir au Luxembourg.... passionnant, vraiment (Photo : AFP).

Quand on pense «slam» on pense «Grand Corps Malade» : le slameur à la canne et à la voix rauque personnifie son art comme personne.
Interview avant son concert, ce jeudi soir, à Neimënster.

Plan B est sorti en février dernier. Après quatre mois et de nombreux concerts, comment est-ce que ça se passe?
Grand Corps Malade : On a déjà fait une trentaine de concerts depuis janvier, on a même commencé à tourner avant la sortie de l’album. Du coup, on a le recul nécessaire pour se dire que ça se passe très très bien, que les salles sont bien pleines, que les gens sont contents. Le concert est désormais bien rodé, il tient la route. Avec les trois musiciens, on s’amuse beaucoup sur scène, du coup il y a une belle interaction avec le public, on fait participer les spectateurs, on joue pas mal avec eux. C’est donc un spectacle assez convivial, on discute beaucoup, j’explique les titres. Mais c’est aussi un concert très musical.
En douze ans, vous avez sorti six albums, fait des centaines de concerts, en plus d’un livre et d’un film. Faut-il vous voir comme un stakhanoviste?
Non, pas vraiment. C’est vrai que je travaille beaucoup, mais bon, c’est un travail très particulier. Je n’ai pas l’impression de souffrir beaucoup ni de me tuer à la tâche. Ce métier est un privilège. L’écriture d’un livre, d’un scénario, d’un album c’est avant tout un plaisir. C’est pour ça que j’écris au départ : pour mon plaisir! Après, le temps où on met les choses en forme, que ce soit pour un film ou un disque, c’est toujours une collaboration avec d’autres gens, une rencontre humaine, artistique. Ce ne sont que de très beaux moments. Enfin, l’aboutissement de tout ça, quand on est sur scène face au public ou quand son film sort en salle, ce n’est que luxe. Du coup, c’est vrai que j’ai beaucoup bossé, mais je ne m’en suis jamais rendu compte.

 À chaque fois, expérimenter de nouvelles choses.

Six albums en douze ans, c’est déjà pas mal, mais le plus impressionnant c’est qu’ils sont tous très différents les uns des autres…
Merci, ça fait plaisir d’entendre ça. Artistiquement, même si les albums s’enchaînent, le but c’est de réussir à se renouveler. Pour ça j’essaye de toujours progresser dans l’écriture, de traiter des thèmes toujours différents et puis de travailler avec des musiciens variés et de faire d’autres duos pour, à chaque fois, expérimenter de nouvelles choses.
Pour le public, vous êtes la personnification de tout un art, le slam, que vous avez remis au goût du jour et popularisé. Comment vivez-vous cette personnification? Est-ce que ça vous dépasse?
Oui, bien sûr que ça me dépasse, ce n’était pas le but. Je viens du slam et je sais à quel point c’est une discipline où il existe tellement de styles, de variétés, de genres différents que, pour moi, personne ne peut le représenter. Après, que je sois associé à ce point-là au slam, c’est une vraie fierté, parce que je l’aime et je suis ravi de le défendre, mais, en même temps c’est une lourde responsabilité. Je ne suis pas du tout le seul slameur, mais c’est vrai que je suis le plus connu. Malheureusement il n’y a pas d’autres slameurs qui ont des projets artistiques grand public. J’assume donc cette responsabilité et quand il faut parler de slam, faire un peu de pédagogie pour expliquer d’où il vient et ce que c’est vraiment. Je prends mon bâton de pèlerin, pas de souci.

Petit à petit, l’envie de chanter est née sur scène

Cela dit, vous ne vous êtes pas laissé enfermer là-dedans. De toute façon, comme vous l’avez déjà dit, quand on enregistre sans public et que ce n’est pas a cappella, ce n’est plus un slam. Mais là, dans Plan B, vous allez au-delà : vous chantez. C’était une envie? Un besoin ? Comment ça s’est fait?
Une envie née sur scène lors de la tournée précédente où de temps en temps je m’amusais à chanter un peu. J’ai, par exemple, repris une chanson de Renaud. Je slamais les deux premiers couplets et je chantais un peu le troisième. Sur un autre titre, je chantais le refrain avec mon musicien. Petit à petit l’envie est née sur scène. Et je fais confiance à la scène. On n’y triche pas, il s’y passe des choses de manière naturelle. Donc je m’étais dit que, sur le prochain album, il pourrait y avoir un ou deux textes chantés et, pourquoi pas, aussi un petit refrain par-ci, par-là.
Dans vos morceaux vous avez beaucoup parlé de vous, de votre accident, de votre handicap… mais là encore vos textes ont depuis dépassé le seul ego trip. Il y a eu par le passé Inch’Allah, #JeSuisCharlie et plein d’autres. L’exemple le plus touchant dans Plan B est peut-être Au feu rouge… Très beau texte sur les migrants…
J’aime, sur les albums, avoir à la fois des textes personnels – parce que, évidemment, quand je parle de moi, il ne s’agit pas que de moi : je parle de sentiments qui me traversent et on constate que finalement ce sont souvent ces textes qui sont le plus repris, ce qui doit vouloir dire que ça parle aux gens. Après, évidemment il y a aussi d’autres sujets, des thèmes plus ancrés dans le présent. Et bien évidemment l’actualité des migrants est un enjeu majeur de ces dernières années. On ne peut pas passer à côté. J’ai donc eu envie de parler de ça, sans me poser en donneur de leçons, je voulais seulement rappeler des faits. Et les faits c’est qu’on croise au feu rouge ces gens qui n’ont pas choisi d’être là, qui ont tout sacrifié, risqué leur vie et ils se retrouvent là dans des conditions inhumaines. On parle souvent de chiffres : « on en a accueilli tant, expulsé tant », etc. Moi, je voulais rappeler qu’il y a des êtres humains derrière ces chiffres. Essayons de les regarder de temps en temps.

Entretien avec Pablo Chimienti,

à retrouver en intégralité dans notre édition papier du jour.

Neimënster -Luxembourg, ce jeudi  à 20 heures.

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