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Bubble Pub, premier bar LGBT du Kosovo


Ouvert depuis le mois d’avril à Pristina, la capitale kosovare, Bubble est le premier – et le seul – bar LGBT, dans un pays où cette communauté s’est longtemps cachée, et qui n’a pas fini de mener ses batailles.

Le soleil se lève sur Pristina, les appels à la prière résonnent dans le centre-ville, et le patron de Bubble, le premier – et unique – bar LGBT de la ville, finit de ranger les tabourets et de nettoyer les tables. Il n’y a pas si longtemps, le Kosovo et ses 1,8 million d’habitants passaient pour un bastion conservateur.

Mais depuis l’indépendance en 2008, le pays se transforme. La scène culturelle a explosé, et la communauté LGBT s’y est trouvé une place, même si se tenir la main dans la rue reste inimaginable.

«Ça prouve qu’on peut vivre ensemble, au même endroit. Vous, avec vos croyances, moi, avec les miennes, à cinq minutes les uns des autres», se félicite Erblin Nushi, réalisateur de 31 ans et drag-queen qui se produit au Bubble sous le nom d’Adelina Rose.

Kaltrina Zeneli, une actrice de 28 ans, a vu sa foi en l’islam grandir il y a trois ans, et porte désormais le hijab. «Chacun a le droit de vivre sa vie comme il l’entend», revendique-t-elle. «En tant que musulmans, nous n’avons absolument pas le droit d’interférer dans la vie des autres.»

Au Bubble Pub, qui a ouvert en avril, la communauté LGBT a trouvé un endroit où se rencontrer, danser, assister à des performances…. C’est là que se produit Adelina Rose, corset lacé rouge et talons vertigineux.

Dans la plupart des pays musulmans, dit Erblin Nushi, «la religion considère que c’est mal, que vous n’avez pas le droit d’être qui vous voulez. Mais c’est important de ne pas imposer son mode de vie aux autres.» Plus de 90 % de la population est musulmane au Kosovo, les 10 % restants se déclarent catholiques, orthodoxes ou sans religion.

Cette tolérance affichée n’a pas toujours été là. Avant de prendre son indépendance de la Serbie en 2008, au terme d’une guerre qui a fait 13 000 morts et déplacé des centaines de milliers de personnes, le Kosovo était loin d’être un havre de paix pour la communauté LGBT.

Ses membres ont dû se cacher, sous peine de risquer attaques verbales et agressions. Mais après la guerre, à mesure que renaissait la société civile, la tolérance s’est accrue. «Aucune minorité, qu’elle soit religieuse ou non, ne devrait avoir de raison de se sentir menacée dans notre société», affirme Labinot Maliqi, imam et directeur du Centre kosovar pour la paix.

L’ouverture de Bubble au printemps a marqué un moment historique pour la communauté LGBT, après des années à organiser des soirées en secret. «L’existence même de Bubble dans le centre-ville de Pristina est un message : nous sommes là, nous faisons partie de la société kosovare», se réjouit le propriétaire, Lendi Mustafa. Une des premières personnes à être ouvertement transgenre dans le pays.

En quelques mois d’existence, son bar est déjà régulièrement plein à craquer. Mais son succès ne peut cacher à lui seul les batailles qu’il reste à mener pour la communauté LGBT. En 2022, le Parlement a rejeté un projet de loi autorisant les unions civiles entre personnes du même sexe – ce qui aurait fait du Kosovo le premier pays majoritairement musulman à reconnaître ces unions. Avant le vote, les chefs religieux – musulmans, catholiques, juifs et évangéliques – avaient fustigé le projet de loi dans une lettre ouverte insistant sur le besoin de protéger les «valeurs familiales».

Et si le ciel s’est éclairci pour la communauté LGBT, cela «ne veut pas dire que la situation est idéale», souligne Erblin Nushi. «Il reste des gens qui veulent que l’on vive comme eux.» Marigona Shabiu, de l’ONG Initiative des jeunes pour les droits humains, est d’accord, et pointe le manque de volonté politique pour un changement plus conséquent.

«Nous avons beaucoup d’hommes politiques au Kosovo qui sont, malheureusement, contre la liberté des uns et des autres à exprimer librement leur identité de genre. Sur le papier, le Kosovo est un bon élève… mais dès qu’il s’agit de rendre les choses concrètes, ce n’est plus le premier de la classe.»