Accueil | Culture | Brexit : à la Philharmonie de Luxembourg, c’est (aussi) le flou

Brexit : à la Philharmonie de Luxembourg, c’est (aussi) le flou


La Philharmonie espère accueillir ses artistes anglais comme il se doit (Photo : Julien Garroy).

Sir Simon Rattle et le London Symphony Orchestra devraient bien être présents au Luxembourg dans un mois. La Philharmonie avoue toutefois ne pas maîtriser les éventuelles conséquences du Brexit.

Cette année, on fête en grande pompe le 250e anniversaire de la naissance de Ludwig van Beethoven. 2020, c’est aussi le passage du Royaume-Uni au Brexit, décision toujours condamnée et qui pourrait gravement affaiblir le milieu de la musique classique britannique. Une double actualité qui va se croiser au Luxembourg, Sir Simon Rattle et le London Symphony Orchestra venant jouer à la Philharmonie, le 23 février, l’oratorio Le Christ au mont des Oliviers, œuvre rarement interprétée sur scène du compositeur et pianiste allemand.

«C’est un problème que l’on risque de prendre en plein nez», explique-t-on du côté de l’établissement, bien qu’il ait encore le temps d’analyser les conséquences de ce retrait de l’UE, la liberté de circulation s’appliquant en effet jusqu’à fin décembre 2020. D’ici là, il faudra quand même s’y pencher, les zones d’ombre étant encore nombreuses. «C’est vrai, actuellement, on ne sait pas quelles implications le Brexit va avoir sur notre propre fonctionnement, poursuit l’un des membres de l’équipe de la Philharmonie. C’est le flou, car on ne connaît pas tous les détails.»
Outre-Manche, la plupart des orchestres sont inquiets pour leur avenir, craignant d’être isolés par de nouvelles frontières sclérosantes. En cause, d’abord, la potentielle fin de la libre circulation des personnes et le changement de statut pour les travailleurs, aux nombreuses conséquences, dont une lourdeur administrative et un coût financier qui menaceraient l’existence même de ces nombreuses formations – qui, il est bon de le rappeler, sont également souvent composées de musiciens de différentes nationalités.
Actuellement, un simple formulaire de l’administration fiscale britannique est suffisant pour «sauter dans un Eurostar ou dans un avion» et partir travailler en Europe, explique Aliye Cornish, altiste anglaise. Comme beaucoup de professionnels de la musique classique vivant au Royaume-Uni, elle travaille plusieurs mois par an dans d’autres pays membres de l’UE.

Les instruments bloqués par les gilets jaunes

Les moins optimistes – qui évoquent aussi, au passage, la potentielle mise à l’écart des jeunes musiciens des projets européens – imaginent les interminables queues à la douane dans les aéroports. «On pourra être coincé à la frontière pendant quatre heures parce qu’on scrute chaque touche de votre clavecin à la recherche d’ivoire», poursuit la musicienne. Dans ce sens, voyager aussi rapidement qu’avant, surtout quand il s’agit d’enchaîner les dates, va devenir complexe, voire impossible.
D’où l’idée, notamment avancée par l’Incorporated Society of Musicians (ISM), de mettre en place un visa à entrées multiples, valable deux ans et à prix modéré. À la Philharmonie, on tempère : «La tournée d’un orchestre est toujours quelque chose de lourd à gérer. Cela implique de prendre en compte beaucoup de choses, et c’est toujours un grand effort de planification. Prenez l’OPL : en son sein, on trouve des Russes, des Chinois… ce qui implique de gérer les visas et d’appuyer l’orchestre, même à distance, où qu’il se trouve d’ailleurs, pour éviter les mauvaises surprises.»
De mémoire, d’ailleurs, le dernier problème qu’a dû gérer la Philharmonie remonte à l’automne 2018, quand les musiciens de l’OPL sont rentrés… sans leurs instruments. «Le camion a été bloqué à la frontière espagnole en raison des manifestations des gilets jaunes.» Pourrait-on imaginer telle mésaventure avec le Brexit, lors d’une éventuelle tournée à Londres?
«On s’en prémunira», lâche-t-on, confiant, du côté de l’établissement qui assure, en guise de conclusion, que la programmation ne tournera pas le dos aux orchestres anglais. Même si Le Quotidien n’a pas réussi à joindre son responsable, Matthew Studdert-Kennedy, un Anglais, sur place, on assure : «Le critère le plus important reste celui artistique.» Brexit ou non, c’est un fait : la musique n’a pas de frontières.

Gregory Cimatti