Mike Bourscheid a été sélectionné parmi 24 candidats pour représenter le Luxembourg à la prochaine Biennale d’art de Venise, l’an prochain. Interview avec l’artiste.
Votre projet « Vielen Dank für die Blumen » a été choisi par un jury professionnel pour représenter le Luxembourg à Venise l’an prochain. La nouvelle est tombée le mois dernier, est-ce que votre vie a changé depuis ?
Mike Bourscheid : Tout d’abord je dois préciser que « Vielen Dank für die Blumen » est un titre de travail, temporaire. Je suis encore dans le processus de création. Les œuvres ont déjà un peu changé par rapport à ce que j’ai présenté au jury, les costumes et l’architecture de l’exposition aussi. Mais l’idée reste la même. Après, ma vie, non, elle n’a pas changé. Je prépare cette exposition pour Venise exactement comme je préparerais une autre exposition pour un autre lieu. Certes, c’est un lieu très spécial, et je prends ça en compte, mais parce que la Ca’ del Duca est spéciale, pas parce que c’est la Biennale de Venise.
Néanmoins que représente la Biennale quand on est artiste ?
C’est quelques chose de très spécial, bien sûr. Déjà, parce que c’est un lieu avec des artistes et de très nombreux visiteurs du monde entier et donc différents points de vue sur l’art contemporain qui se retrouvent. Aussi, parce que, comme il y a un prix, que des artistes sont sélectionnés pour représenter un pays, il y a un peu un côté Jeux olympiques. Et puis, d’un point de vue plus personnel, ça pourrait être un magnifique tremplin pour ma carrière.
Quel sera alors votre but à la Biennale ?
Comme c’est un petit pays, j’aimerais montrer ce qu’est le Luxembourg, ou du moins mon point de vue sur le Luxembourg. Un point de vue très subjectif de quelqu’un qui vient du Luxembourg, mais qui a quitté le pays à l’âge de 19 ans et qui y retourne de temps en temps pour visiter la famille, c’est tout. Quelqu’un influencé aussi par le fait d’avoir vécu en France, en Allemagne et désormais au Canada.
Ceux qui ont découvert votre exposition « ehe Ehe » l’an dernier à Dudelange ont pu remarquer que vous traitez beaucoup les idées de genre, d’identité, de nationalité. Est-ce que ce sera encore le cas à la Ca’ del Duca ?
Oui. Les œuvres que je vais présenter à Venise sont toutes en lien avec l’identité et beaucoup avec la question de ce qui est masculin et ce qui est féminin, ou du moins qui est supposé l’être. Il va y avoir des costumes et des structures portatives…
… du travestissement, quoi.
Oui, c’est ça. Notamment dans les performances qui sont prévues. Après, je ne fais pas, moi, partie de la communauté des travestis, mais, je pense que c’est dans mon intérêt, en tant que mâle de l’espèce humaine, de montrer que j’ai différentes notions en moi et que je peux, si je veux, faire le choix de porter des vêtements masculins ou féminins, parler, chanter ou penser comme je veux. Ça fait partie de mes libertés. À Venise, comme je fais des costumes, ça va aussi beaucoup parler de l’histoire du costume, de l’histoire contemporaine de la mode et aussi de l’histoire de l’art.
Avec toujours autant d’humour et d’autodérision ?
Oui, bien sûr. J’avoue que même moi, quand je porte les structures ou les costumes et que je me regarde dans un miroir, je rigole beaucoup. En choisissant un chemin humoristique, ou du moins un peu rigolo, on peut, à travers le rire, arriver à faire passer d’autres éléments plus sérieux. Il y a différentes couches de lecture que j’espère parvenir à transmettre au visiteur. Quand on porte un costume un peu bizarre, on entre immédiatement dans la zone intime du spectateur. On est tout de suite en contact. C’est très important pour cette exposition à Venise, puisque la Ca’ del Duca est, au départ, un appartement. J’aimerais donc bien garder l’intimité de ce lieu.
Il y aura donc des costumes, des structures et des sculptures. Pourtant, à la base, vous venez de la photographie. Il n’y aura pas de photos à Venise ?
Non, je ne pense pas qu’il y aura des photos. Mais ce n’est pas encore impossible, car je pensais peut-être faire un vinyle pour Venise, et dans ce cas, la couverture du vinyle serait évidemment une photo.
Vous rappeliez tout à l’heure qu’à Venise, il y a aussi des prix, Su-Mei Tse, lauréate du Lion d’or de la meilleure participation nationale à la Biennale en 2003, faisait partie du jury qui vous a sélectionné. Le pays attend toujours son successeur au palmarès. De bon augure pour 2017 ?
Je serais très surpris d’être choisi pour le Lion d’or. J’en serais bien sûr ravi, mais ce n’est pas le but.
Quel est le but alors ?
Que le spectateur qui viendra découvrir mon exposition reparte avec quelque chose de nouveau en tête, que cela change un peu son point de vue ou au moins que ça le fasse réfléchir. Et aussi qu’il puisse passer un bon moment en découvrant l’exposition. Et puis que je sois, moi aussi, content de mon travail et du résultat de mon exposition.
Entretien avec Pablo Chimienti