La bibliothèque municipale fête cette année son centenaire. En franchissant les portes de cette institution, on est bien loin de l’image de la bibliothèque sombre et poussiéreuse. C’est un lieu d’échanges où tous les jours de nouvelles histoires s’y écrivent.
« Les bibliothèques sont l’une des plus anciennes institutions. Parce qu’elles ont su s’adapter au fil du temps…» Il est 10 h, mercredi matin, lorsque nous rencontrons l’équipe à la tête de la bibliothèque municipale d’Esch-sur-Alzette qui fête cette année son centenaire. En franchissant les portes de la villa Deitz, rue Émile-Mayrisch, qui accueille l’institution depuis plusieurs décennies, on se trouve toutefois bien loin du cliché de la bibliothèque poussiéreuse.
Dans la salle de lecture à l’étage de cette ancienne maison, on nous reçoit autour d’une table moderne. Les sièges tout autour sont colorés. « Prenez place sur celui que vous préférez », nous lance Tamara Sondag, cheffe de service et bibliothécaire. Nous voici dans le vif du sujet. Ici, tout est fait pour que le public se sente à l’aise. « La bibliothèque est plus qu’une étagère qu’on remplit de livres. Elle vit, elle a une âme. Il y a des histoires qui s’y écrivent. »
Des rencontres, des anecdotes… Les responsables de la bibliothèque en ont un paquet à raconter. « Chez nous, le lecteur n’est pas un simple numéro, mais a un nom. Tu t’appelles Andrea, Tiago, David… Nous connaissons la plupart de nos lecteurs. C’est ce qui rend le lieu attractif », note Jan Guth, responsable des projets pédagogiques à la bibliothèque municipale.
« Nous sommes aussi un lieu de refuge »
Au fil des décennies, l’institution a toujours cherché à rester à la page. Dans certains domaines, elle a même été pionnière. Dans les années 60, elle a ainsi été la première bibliothèque au Luxembourg à organiser une « discothèque », c’est-à-dire le prêt de disques vinyles. Et en 1988, c’était la première bibliothèque au Luxembourg à introduire une section jeunesse. «On ne s’arrête pas où on est, mais on continue à évoluer, à s’adapter. On échange avec les clients. On les écoute. C’est la bibliothèque des Eschois», appuie Tamara Sondag.
Au fil des décennies, la bibliothèque centenaire a aussi su régulièrement attirer de nouveaux lecteurs. « Si on pense que ce sont juste les anciens qui viennent, c’est faux. Les 11-20 ans sont aujourd’hui les plus représentés. »
Un certain nombre de projets pédagogiques avec les crèches et écoles eschoises y sont pour quelque chose, mais c’est le rôle que se donne la bibliothèque : « Transmettre la compétence médiatique. On ne place pas les livres dans l’étagère parce qu’on trouve cela joli ! » L’équipe se souvient avoir aidé plus d’un élève à préparer son exposé. « Prenons l’exemple de Spartacus. Une recherche Google ne mène pas forcément aux bons résultats. Et face aux livres, ils sont assommés. On leur montre donc comment faire une recherche dans le catalogue en ligne, comment s’orienter dans une table des matières… »
La bibliothèque accueille aussi régulièrement des réfugiés. En moyenne, ils sont quatre par semaine. « Souvent, ils vivent à neuf dans une chambre. Les uns viennent ici pour apprendre, les autres pour communiquer avec leur famille sur l’ordinateur. » « Nous sommes aussi un lieu de refuge pour les personnes qui n’ont pas la chance d’avoir ce qu’ils devraient avoir dans la société », renchérit Jan Guth.
« Il n’y a pas que les livres qui comptent »
Parmi la petite communauté qui a l’habitude de venir bouquiner au sein des murs de la villa Deitz, on compte aussi certains étudiants de l’université de Belval.
La bibliothèque veut être une institution démocratique : « Tu peux venir comme tu en as envie, du moment que tu te tiens à certaines règles », résume Tamara Sondag. Plus d’un projet fourmille dans la tête de la chef de service. Au Danemark, à Aarhus, la médiathèque Dokk1 réunit dans le même bâtiment le service d’aide aux citoyens. Les citoyens peuvent y effectuer toutes leurs démarches administratives, par exemple la demande de passeport. Pourquoi ne pas s’inspirer un jour de ce modèle à Esch ?
Le développement des e-books ne fait pas peur à la jeune équipe de la bibliothèque à Esch : « Cela nous est égal comment les gens lisent. Entre 300 et 400 de nos lecteurs utilisent ce service (NDLR : ebooks.lu est le service gratuit de prêt de livres numériques). Nous ne nous sentons pas menacés, comme on ne l’a d’ailleurs pas non plus été par internet. Mais c’est une évolution qu’on n’a pas le droit d’ignorer. » « L’e-book ne remplace pas tout», intervient Jan Guth. Rien ne remplace une personne qui sait où trouver une information et peut vous montrer comment fonctionne un glossaire. Pour nous, c’est une garantie que la bibliothèque gardera son importance à l’avenir. » Son rôle social n’est pas à non plus à sous-estimer. « Il n’y a pas que les livres qui comptent. C’est aussi un lieu d’échange. Ici, des itinéraires de vie peuvent prendre leurs marques.»
Ils en sont convaincus : en aucun cas, la bibliothèque est arrivée à la fin de sa vie. «Ce n’est que le début. Je n’ai encore vu aucun Star Trek, ni Star Wars où il n’y a pas de bibliothèque», conclut Jan Guth en plaisantant.
Fabienne Armborst
Partez sur les traces de la bibliothèque…
Au cours de ses 100 ans d’existence, la bibliothèque municipale d’Esch-sur-Alzette a effectué au moins neuf déménagements… Dans le cadre des festivités de son centenaire, elle propose au public de se lancer sur ses traces. Saviez-vous que tout a débuté à la fin du XIXe siècle dans la rue de l’Alzette, à l’emplacement actuel du Centre Mercure? C’est là qu’en 1892, dans l’ancien hôtel de ville, a été fondée la bibliothèque scolaire suite au don de 43 volumes de la collection «Des Landmanns Winterabende» par le ministère de l’Éducation.
Au cours d’une visite guidée passionnante, vous replongerez aux origines d’une des plus anciennes bibliothèques du pays qui deviendra… la bibliothèque municipale de la ville d’Esch-sur-Alzette en 1919. Mais avant de trouver ses locaux dans la villa Deitz, rue Émile-Mayrisch, elle en a parcouru, du chemin.
En arpentant les anciennes ruelles du vieil Esch, vous passerez notamment devant l’école Grand- Rue, la villa de l’ancien directeur de l’École d’industrie et du commerce (NDLR : l’actuel lycée de garçons d’Esch-sur-Alzette)… et la villa Laval. Tous des lieux qu’aura occupé la bibliothèque au début du siècle. Durant la Seconde Guerre mondiale, l’institution n’échappera pas à l’occupation allemande. En août 1940, la collection d’environ 32 000 livres seront déménagés dans la «Kreisleitung», c’està- dire le bureau central du district d’Esch du parti nazi, au 45, avenue de la Gare. L’histoire de la bibliothèque d’Esch s’est écrit en accompagnant celle de la ville d’Esch. Une histoire qui se cache aussi depuis 1946 en partie sous les toits de la villa Deitz. Sous ses combles, la bibliothèque recueille en effet les plus vieux documents de la Métropole du Fer.
Visites guidées en langues française et luxembourgeoise : samedi 27 juillet et samedi 31 août à 16 h. Rendez-vous à 15 h 45 au City Tourist Office d’Esch, place de l’Hôtel-de- ville.
Inscription obligatoire avec indication de date et de langue par courriel à l’adresse suivante: events.bibliotheque@villeesch.lu. (Tél. : 27 54 49 30)