Le 8 mars dernier, le rappeur Benk (23 ans) lançait une véritable bombe sur la toile : Coronavirus. Plus de «10 millions de vues cumulées» plus tard, il revient pour Le Quotidien sur ce buzz inattendu. Et comme il a de la suite dans les idées…
Mardi 14 avril. Confinement, jour 29, en France. Il est 16h, autrement dit l’heure du goûter. Ou plutôt celle d’une conversation WhatsApp avec Benk, qui est tranquillement assis sur un canapé, à Albi, au côté de son «frère siamois» à l’accent chantant, Rémy Bonnafous. Sans oublier l’autre Rémi, Cerejo celui-ci, son manager, qui veille à distance – depuis Paris – aux propos tenus par son poulain. Des maisons de disques et labels l’ont approché, mais Benk préfère, pour l’instant, à l’image de Demi Portion, rester indépendant. Et pour ce rappeur militant, au flow tranchant et à la plume consciente, de beaux projets se profilent à l’horizon !
Pouvez-vous vous présenter succinctement ?
Benk : En gros, moi c’est Jordan aka Benk. J’ai 23 ans, je suis l’heureux papa d’une petite fille de 4 ans. Je suis un jeune rappeur originaire de Toulouse. Et ça fait maintenant un peu près 5 mois que je suis ici à Albi. J’avais vraiment besoin de changer d’air.
Comment êtes-vous tombé dans le rap ?
Benk : Je baigne dans le rap depuis tout petit, depuis gamin, en fait. Ma mère écoutait beaucoup de groupes mythiques de l’époque tels que Lunatic, Arsenik, NTM, Tandem, Sniper ou IAM. Et elle m’a transmis le virus, on va dire (il sourit).
À quand remonte vos débuts dans le musique ?
Benk : J’ai commencé à freestyler à la sortie des cours de CFA (NDLR : centre de formation d’apprenti), vers 15-16 ans. J’ai fait un apprentissage en cuisine et j’avais des potes à moi qui freestylaient dehors, donc c’est comme ça que j’ai débuté.
Comment ça se passait ?
Benk : Ben, je rentrais chez moi, je prenais des instrus sur YouTube et j’écrivais dessus. Après, j’arrivais au CFA de Blagnac et on passait des après-midi avec les potes à freestyler.
Votre blaze (NDLR : nom de scène), Benk, il vient d’où ?
Benk : Ah, ça vient d’une vieille légende du Japon féodal, celle de Saitō Musashibō Benkei (NDLR : qui était un Sôhei, c’est-à-dire un moine guerrier). Dans sa jeunesse, Benkei était appelé Oniwaka, il était mi-enfant, mi-démon, c’était un prodige de la guerre. Par la suite, il a fait sa route, il a croisé le chemin d’un seigneur, Minamoto no Yoshitsune, il s’est mis à son service… J’avoue, je me suis un peu cassé la tête pour trouver ce nom (il rigole) ! J’étais jeune quand j’avais vu l’histoire, j’avais kiffé de ouf et depuis c’est resté. Sauf qu’à la base, quand j’ai commencé à rapper, mon blaze c’était Benkei et après j’ai simplifié le truc en Benk.
Et l’aventure dans le rap, elle se poursuit à présent de quelle façon ?
Benk : Dès que je suis arrivé sur Albi, il y a un peu près 5 mois, avec Rémy (Bonnafous), on a commencé à s’y coller sérieusement, à s’investir à fond quoi : à essayer de faire des petits clips, à mettre des thèmes sur des sons. Et là, c’est en train de bien prendre, donc on va voir pour la suite.
On connaît la difficulté de faire du rap indépendant. Vous travaillez à côté ?
Benk : Moi, à la base, je bosse en intérim à côté. Enfin, avant le confinement, tout ça.
Malheureusement, les intérimaires, c’est toujours la variable d’ajustement. En cas de crise, c’est toujours les premiers à être remerciés…
Benk : Ouais, c’est ça.
Rémy Bonnafous : (Il enchaîne) Mais, du coup, ça permet de se faire de gros projets là !
Venons-en à votre gros carton, Coronavirus. On peut dire que vous avez eu le nez creux en le sortant début mars…
Benk : À la base, ce son, il n’était pas prévu du tout. J’étais au taf, dans un rayon en train de trier des légumes et c’est mon collègue qui m’a appelé pour me dire : ‘‘T’as vu ce qui se passe à la télé avec le corona, nanani nanana…’’. Je lui fais : ‘‘Ouais, j’ai vu.’’ Du coup, je me suis renseigné sur le sujet, j’ai regardé un peu partout et je me suis dit : ‘‘Ben vas-y, je vais faire un son dessus.’’ Mais, je le répète, à la base, c’était sur un délire, c’était un son comme un autre. On n’avait pas prévu que ça que ça marche autant, que ça prenne cette ampleur-là, vraiment.
Rémy Bonnafous : (Il acquiesce) Ouais, ouais. On ne l’a pas pris autant au sérieux que notre projet. Mais, au final, le son est très bien. On s’en est rendu compte après. Surtout que ça part d’un délire… et qu’il n’a bien failli jamais sortir.
Sérieux ?
Rémy Bonnafous : Ouais, on n’était pas chaud, au début. On l’a réécouté plusieurs fois après l’enregistrement. On l’a clipé deux semaines après dans un parking souterrain d’Albi avec les accessoires (le masque, les gants, la combi) et on l’a sorti dans la foulée quoi. On a osé. Mais on ne s’attendait à ce que ça ‘‘pète’’ autant. Pour nous, c’était un son comme un autre.
Plus de 10 millions de vues et des milliers de partages sur les réseaux sociaux pour un titre ‘‘artisanal’’, c’est inespéré ?
Benk : Ouais, ouais, c’est quelque chose qu’on n’avait pas prévu.
Ça donne une responsabilité supplémentaire, désormais, quand vous sortez un nouveau titre ?
Rémy Bonnafous : Ça fait mûrir, ça fait mûrir.
Benk : Carrément, car on a beaucoup plus d’auditeurs qu’avant, donc ça t’oblige à t’impliquer beaucoup plus dans le son, c’est une source de motivation.
Le titre Confinement, que vous avez sorti 3 semaines plus tard, c’est un peu le prolongement de Coronavirus…
Benk : Ouais, c’est un peu dans le prolongement. Je l’ai écrit de la même manière au final. On était confinés. Aux infos, quand tu regardes la télé, ça parle que de ça, que de ça, que de ça (il insiste) tout le temps, donc forcément au bout d’un moment t’as des idées qui te viennent et je suis obligé de les écrire. Souvent, c’est la nuit que ça se passe. Je me mets tranquille dans une pièce au calme, une petite cigarette, une prod et c’est parti. Dans Confinement, je mets à l’honneur le personnel soignant et je dénonce l’égoïsme des gens lors de cette période. Après, quoi vous dire de plus ? Si ce n’est qu’on a clipé sur le toit de chez Rémy… On est enfermés, mais on s’est évadés, échappés en quelque sorte de cette manière.
Votre rap est cash, hyper engagé, pour ne pas dire plus, enflammé…
Benk : Moi généralement quand je rappe, c’est pour dire des choses, exposer mes idées, exprimer ma façon de penser qui n’est pas forcément celle majoritaire, qu’on entend, celle des bien-pensants. Mais, en tout cas, c’est mon opinion, j’en suis fier et c’est la mienne.
Mais quand vous dénoncez les lobbys de l’industrie pharmaceutique, les morts dans le tiers-monde, les bavures policières, la gestion discutable au plus haut sommet de l’État, le 49.3, etc., vous êtes conscient que c’est susceptible d’heurter, de ne pas plaire pas à tout le monde.
Benk : Après, vous savez, il y a un grand rappeur, Kery James pour ne pas le nommer, qui disait : ‘‘Qui prétend faire du rap sans prendre position ?’’. Comme je vous ai dit, quand je rappe, j’exprime ma façon de penser. Je sais que ça ne plaira pas à tout le monde, je sais que certains vont kiffer, d’autres non. C’est le risque quand tu prends position.
Kery James, vous l’appréciez beaucoup, il me semble…
Benk : Ouais, c’est une idole pour moi. Ses sons, je les ai tous saignés, en vrai. Sa façon d’écrire, les idées qu’il véhicule, il prend lui aussi position. Par exemple, Lettre à la République, pfff, c’est vraiment puissant !
Il y a une constante qui ressort aussi de vos sons, c’est la place accordée à l’écriture, la qualité de votre plume ?
Benk : Avoir une belle plume, c’est super important. Perso, j’écris ce que je ressens. Le problème que j’ai avec la plupart des mecs du rap actuel, c’est qu’il y a la forme, mais ils ont totalement oublié le fond. Ce n’est pas de la pop urbaine – ça, c’est ce qu’on entend aujourd’hui à la radio – qu’on fait, c’est du rap !
Et pour vous, le rap, c’est…
Benk : Pour moi, le rap, tu l’as dans le nom… R.A.P. : rhythm and poetry. Donc ça signifie qu’on doit y mettre le fond et la forme. Normalement, le rap, c’est censé être ça.
Pouvez-vous nous dire un mot sur vos projets en cours ?
Benk : On s’est lancés sur une série de freestyles qui se nomme ‘‘Wind Storm’’ (NDLR : la tempête de vent) – acte 1, acte 2, acte 3…– et qui arrivera dans les semaines qui viennent. Il y aura du changement au niveau des sonorités : elles seront moins old school, plus actuelles, modernes, tout en gardant le fond par contre, car ça j’y tiens.
Rémy Bonnafous : (Il complète) En gardant l’authenticité de flow et de texte, quoi.
Pour terminer, avez-vous un message à faire passer à vos fans ?
Benk : (Il réfléchit) Ben, merci pour le soutien, la force que vous m’apportez au quotidien et continuez à kiffer, à écouter et partager un max mes sons. Et surtout en cette période de confinement, continuez à respecter un maximum les consignes (les gestes barrières, la distanciation sociale, la restriction des sorties…), c’est important. Pour vous mais aussi pour les gens qui sont autour de vous (famille, proches, entourage). Et puis, sachez que le rap – qui, je le répète, est fait avant tout de rythme et de poésie – est porteur d’un vrai message, et qu’il n’est pas mort !
Entretien avec Ismaël Bouchafra-Hennequin
* Originaire de Castres, Rémy Bonnafous, également âgé de 23 ans, est un ami d’enfance de Benk. C’est son meilleur pote, ils sont inséparables. Rémy est à la fois son associé, son attaché presse, son monteur vidéo, etc. Bref, c’est son double, son «frère siamois», son acolyte.
** Mercredi, Benk a sorti son nouveau clip, J’ai vu. Bonne écoute !
Plus d’infos sur Benkofficiel.fr
Page Facebook : BENK
Instagram : benk_off
Sons dispos sur Spotify, Apple Store, Deezer
Pour celles et ceux qui souhaiteraient soutenir le travail de Benk, artiste indépendant qui tient à sa liberté musicale, une cagnotte a été mise en ligne.
Le rap de la poésie-je suis mort de rire.
Sait-il au moins ce qu’est la poésie??
Quant au rythme,on en reparlera-sait-il au moins ce qu’est le rythme?