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« Belgica », le nouveau film « flamand rock »


Le Belge Felix Van Groeningen signe Belgica, l’histoire d’un amour fraternel fort. Un film plein de poésie et de fraîcheur.

Lors du tournage, un des producteurs s’est laissé aller à la confidence : «J’ai l’impression de retrouver Aki Kaurismäki et Fatih Akin. Ce sont les mêmes personnages que chez Aki, des gens du peuple, mais au lieu d’être dans la poésie, c’est musclé, c’est plus sexuel. Et c’est très musical comme chez Fatih. Il y beaucoup d’émotions aussi, c’est tout ce qu’on a envie de voir dans le cinéma aujourd’hui…»

Ledit producteur, ce jour-là, assistait au tournage de Belgica, le cinquième film de Felix Van Groeningen. Un réalisateur que l’on connaît bien pour ses deux fameux longs métrages, La Merditude des choses (2009) et Alabama Monroe (César du meilleur film étranger, 2014). Sa marque de fabrique, qu’il confirme avec Belgica : la poésie déjantée, enveloppée dans une extrême fraîcheur…

Certains veulent y voir une œuvre autobiographique, au prétexte que le film a été tourné à Gand – ville natale du réalisateur, dans un bar qui rappellerait Le Charlatan – un bar célèbre de la ville. On dit aussi que Van Groeningen et ses amis y avaient leurs habitudes, et que Soulwax, le groupe qui a composé la bande originale, s’y est également déjà produit.

Il n’infirme ni ne confirme : le réalisateur laisse planer le doute dans cet établissement, et concède simplement : «Si Belgica n’est pas réellement autobiographique, c’est sûrement son film le plus personnel…» Et qu’importe, après tout! Ce qui compte, c’est que le spectateur est vite embringué dans le sillage des deux frères, Jo et Frank. Le premier est célibataire, passionné de musique et vient d’ouvrir son propre bar à Gand, le Belgica. Le second est père de famille à la vie ordinaire. Les deux frères, si différents, vont bosser ensemble pour faire tourner le bar qui, en quelques semaines, devient « the place to be ».

La mixité et la tolérance font force de loi

Au fil du film, on apprend que les deux frères ont été élevés par un père brutal et alcoolique. On comprend alors que Frank, l’aîné, s’impose de ne jamais reproduire le schéma paternel, et que Jo, borgne et fragile, traîne la dette d’avoir été protégé par son frère des moqueries des autres gamins. Et ce sont ces deux personnalités réunies qui vont construire un macrocosme où l’horizon est toujours au-delà des possibles, un lieu où la mixité et la tolérance font force de loi.

Maître de son art, Van Groeningen met en images une arche de Noé sous label «flamand rock». La mièvrerie, on n’a pas ça en stock chez Van Groeningen. Chez le réalisateur, on fait plutôt dans le venimeux, l’implicite, le faustien… Dans Belgica, il y a la musique, la fête, la nuit, l’alcool, la famille, mais il y a aussi et surtout cette implacable et imparable leçon de vie : accepter la fin de la partie quand le pire se pointe…

Belgica, de Felix Van Groeningen (Belgique/France, 2 h 07), avec Tom Vermeir, Stef Aerts, Hélène De Vos…

De notre correspondant à Paris, Serge Bressan