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Beak>, emmené par le leader de Portishead, « une affaire sérieuse ! »


"Sans cette liberté, ce groupe n'existerait simplement pas", affirme le trio de Beak>. (photo DR)

Tête d’affiche, ce samedi à Esch, du festival Out of the Crowd, Beak› fait figure d’anomalie dans le paysage musical. Formé sans prétention en 2009 autour de Geoff Barrow (Portishead), le groupe est devenu un fleuron de l’indépendance.

Toujours vaillant après une décennie d’expériences diverses, de rythmes en boucle addictifs et autres sonorités hypnotiques, Beak›, groupe de Bristol, poursuit inlassablement sur son style minimaliste, loin des gros effets de la pop-rock contemporaine. Preuve en est avec son dernier album, ›››, modèle du genre à la fois ahurissant et maîtrisé. Adeptes de l’improvisation en studio, c’est justement au cœur de leur nid que Geoff Barrow, Billy Fuller (bassiste de Robert Plant) et Will Young (Moon Gangs) se confient avec leur mordant habituel.

Beak› existe depuis maintenant dix ans. Cela vous surprend-il ?

Geoff Barrow: (Il crie) Eh ouais, on n’est pas mort !

Billy Fuller: Seul un des membres du groupe est parti (NDLR: Matt Williams). Le bilan n’est pas si mal que ça, non ?

Comment le groupe s’est développé en une décennie ?

B.F.: À mes yeux, on a plutôt régressé. C’est ça, Beak› est un groupe de « régressif » rock. Il a dans ses gènes quelque chose qui tient clairement du Néandertal !

Vous avez votre propre label, votre propre studio… Vous définiriez-vous comme un groupe totalement libre ?

B.F.: Oui, surtout comparé à tant d’autres groupes.

G.B.: D’ailleurs, sans cette liberté, ce groupe n’existerait simplement pas. On a toujours joué ce que l’on voulait, sans pression, avec un but simple : prendre un maximum de plaisir. Beak› fonctionne sans l’industrie de la musique, comme on l’entend, et c’est très bien comme cela. Parallèlement, on est plus populaire qu’il y a dix ans. C’est étrange.

B.F.: D’où ma réponse, ironique, sur le développement du groupe. On n’a pas de plan, de visées économiques, d’idées sur le marketing…

Will Young: C’est toujours comme ça quand quelqu’un vous donne de l’argent et attend un retour sur investissement. Tout part de là ! C’est le début des emmerdes…

Vous n’avez donc pas d’argent…

B.F.: Le plus important, c’est que Beak› n’en doit à personne (il rit).

Dans ce sens, pensez-vous être anticonformistes ?

G.B.: On est surtout chanceux ! On n’est pas très jeunes, on arrive à une certaine période de notre vie, et pourtant, on ne s’ennuie pas ! Être anticonformiste, comme vous le dites, c’est la conséquence de ce que nous sommes en tant que personnes.

B.F.: Oui, c’est important de dire que ce n’est pas une attitude, une posture. Ce n’est pas parce que l’on se sent libre que l’on va jouer un rôle. Non, Beak› est une affaire sérieuse, pas une blague !

Votre approche –et votre musique– serait-elle différente si Beak› était votre seul groupe ?

B.F.: Beak› n’est pas un « projet ». Le mot lui-même est une négation de ce que l’on ressent vraiment.

G.B.: C’est même le groupe –dans son sens propre– le plus authentique dans lequel j’ai joué !

D’une même voix: C’est clair !

Quel rapport entretient Beak› avec le krautrock ? Un art de l’improvisation ? Un sens pour le minimalisme, le psychédélisme ?

B.F.: Nos influences tiennent plus du jazz, du funk, des chansons des Beach Boys…

G.B.: Cela tient aussi aux instruments que nous utilisons, que l’on joue et que l’on aime et qui, avec notre sorte de groove expérimental, nous ramènent à cette période créative du rock allemand. D’ailleurs, le public, inconsciemment, fait d’emblée le rapprochement. Et il a raison ! Parallèlement, on pourrait aussi prendre la batterie, la basse et les synthétiseurs du groupe Can et jouer du blues avec, on verrait Beak› comme un groupe de blues, ce qui n’est pas le cas, même si c’est un genre que l’on apprécie.

B.F.: On pourrait toutefois trouver un lien fort dans cette approche de l’improvisation. C’est tout ce que l’on aime: se voir, passer du temps ensemble en studio, jouer, créer sur le moment…

W.Y.: Bref, on ne fait pas du heavy metal. Ça, c’est sûr (il rit) !

Vous aimez expérimenter de nouveaux sons en studio. Par contre, sur scène, vous évitez toute improvisation. Pourquoi ?

G.B.: Un concert, c’est une performance, mais ça n’implique pas pour autant de faire n’importe quoi. On ne veut surtout pas avoir un public qui est habitué à écouter de la musique improvisée. Du coup, on joue les morceaux des albums, sans arrangements particuliers, sans faire des solos à la guitare, sans poser un rap en plein milieu pour étonner les gens…

B.F.: On joue nos hits, comme un groupe pop ou country !

Entretien avec Grégory Cimatti