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[BD] Petros, un enfant face à la guerre 


L'histoire est tirée du roman d’Alki Zei à laquelle les deux auteurs rendent un hommage des plus vibrants. (Image Futuropolis)

Petros est un jeune garçon d’Athènes, confronté à la barbarie de la Seconde Guerre mondiale. Une histoire, faite de tragédies et de résistance, tirée du roman d’Alki Zei à laquelle les deux auteurs rendent un hommage des plus vibrants.

Souvent, la mémoire est courte et l’Histoire joueuse. C’est ce qu’a remarqué Alki Zei en 1964, après plus de dix ans d’exil à l’étranger. Ainsi, au cœur de sa Grèce natale, les souvenirs de l’occupation de 1940-44 n’ont laissé que de maigres traces, pour la plupart symboliques. Les anciens n’avaient rien raconté à leurs enfants, l’école était muette sur le sujet et les héros d’un temps étaient devenus des parias – la faute à la guerre civile et à la dictature qui ont déchiré le pays durant vingt ans.

Des circonstances malheureuses qui n’ont pas aidé à y voir plus clair et à raconter les tragédies, comme la révolte. L’auteure a alors décidé de lever le voile sur cette période : ce sera La Guerre de Petros, paru en 1971, devenu rapidement un livre culte de la littérature jeunesse et un classique tout court.

« Avancez avec courage ! »

Réunis par Futuropolis, Angeliki Darlasi et Dimitrios Mastoros connaissaient bien cette militante de gauche et membre actif de la résistance sous l’occupation nazie. La première avait grandi avec ses livres. Le second, lui, l’a rencontrée quand il était tout jeune, comme il le raconte en fin d’ouvrage : «Elle me trouvait insupportable! Pour elle, j’étais un sale gosse, malpoli et bruyant.» Aujourd’hui, ajoute-t-il, ils sont devenus complices, grâce à cette adaptation de son célèbre roman. Une amitié qui sera de courte durée, puisque Alki Zei rendra son dernier souffle en février 2020, à 94 ans. Avant sa mort, elle a eu toutefois le temps d’apprécier le dessin du petit Petros. Le témoin était passé. «Avancez avec courage!», leur lança-t-elle dans un dernier message.

Un quotidien transformé par la guerre

Une expression qui colle à la perfection aux réalités auxquelles sont confrontés Petros, sa famille et ses amis durant quatre ans, durée de l’occupation de la Grèce par les Italiens et les Allemands. Alors que la guerre démarre en octobre 1940, le jeune garçon, alors âgé de 9 ans, est seulement préoccupé par la mort de son grillon et soulagé que l’école soit finie. Mais les malheurs de la guerre vont le rattraper et transformer son quotidien, comme celui de tous les siens : l’enrôlement, la fuite, le marché noir, la collaboration, le couvre-feu, les secrets, les arrestations, la mort, la pauvreté, sans oublier la faim, tenace, référence à la terrible famine de l’hiver 41/42. «C’est pas Athènes, c’est pas ma ville!», clame-t-il effrayé.

Parallèlement, il y est aussi question d’amitié, de courage et de résistance. Ainsi, au début du conflit, Petros mixe les histoires des grands guerriers de la mythologie à la vie courante, s’invente une réalité épique, entre rêveries et interprétation des discours des adultes. Et il grandit vite, trop vite… Rêvant d’héroïsme, il crève ensuite les pneus des voitures allemandes, puis peint des slogans sur les murs, du genre «Nous avons faim», «Soupe populaire» ou encore «La liberté ou la mort». Une résistance inventive, envers et contre tout. Celle d’une population qui n’a plus rien à perdre.

De véritables clins d’oeil historiques

La Grande Balade de Petros, comme son modèle, offre de véritables clins d’œil historiques : le drapeau nazi remplacé par celui grec en haut du mât de l’Acropole, les fascistes locaux (les «X», un groupe d’extrême droite) et l’exécution, le 1er mai 1944, de 200 résistants et prisonniers communistes en représailles à l’assassinat d’un général allemand par les forces du maquis. Mais dans le récit, on retrouve aussi des éléments autobiographiques de la romancière, comme cette grande sœur à la coiffure «en chou-fleur».

C’est d’ailleurs toute la réussite de l’ouvrage – décomposé en quatre parties, comme le roman : réussir à raconter l’horreur de la guerre sur les populations civiles avec douceur et humour, et dans un regard pétillant, plein d’espoir, comme Alki Zei l’a toujours fait. On est ainsi autant dans un récit d’apprentissage que dans une fresque familiale aux airs de fable.

Une légèreté dans le tragique

À travers de beaux dessins au lavis, les filles, tout le temps amoureuses, parlent des mecs, et les enfants, au regard naïf, abordent la bataille comme un grand jeu, certes parfois très cruel. Une légèreté dans le tragique qui rappelle le film de Roberto Benigni, La Vie est belle (1997).

Les deux œuvres partagent à leur manière une même ambition, comme le rappellent en conclusion les deux auteurs : «La mémoire historique ne doit jamais être un prétexte de discorde : elle devrait être le fondement courageux d’une réconciliation, de la compréhension mutuelle et un dû aux générations passées et futures.» Une manière aussi de ne pas répéter l’histoire. Et d’aller de l’avant, encore et toujours, aurait sûrement dit Alki Zei.

La Grande Balade de Petros, de Dimitrios Mastoros et Angeliki Darlasi. Futuropolis.

À la mémoire de tous les enfants qui, malgré eux, sont devenus des symboles

L’histoire

Le grillon de Petros est mort. Le jeune garçon de 9 ans s’en souviendra toujours. C’est la veille du premier jour de guerre avec l’Italie, et de l’occupation allemande, le jour d’avant la bascule de sa famille dans un quotidien de lutte pour le ravitaillement et la vie, vaille que vaille, quand tout est menacé. Dans la ville, gigantesque terrain miné, les risques pris pour la liberté donnent à la vie sa saveur. Malgré tout, Petros prend vite conscience de la nécessité d’agir. Il apprend à résister et grandit bien trop vite…