La Fille de Vercingétorix, le 38e album des aventures d’Astérix le Gaulois, sort jeudi partout en Europe avec, pour la première fois, une adolescente pas commode aux commandes.
L’ado en question se prénomme Adrénaline et porte bien son nom. Chevelure rousse nouée par une longue natte, caractère bien trempé, aimant s’habiller « gothique plutôt qu’en fille », la fille de Vercingétorix va donner du fil à retordre aux Gaulois plus habitués à se castagner avec les Romains qu’à se confronter à une adolescente rebelle… et fugueuse. « Au départ, racontent le scénariste Jean-Yves Ferri et le dessinateur Didier Conrad, on aurait voulu parler de Vercingétorix, sauf que dans Astérix on ne touche pas à Vercingétorix. »
Pas de Vercingétorix donc mais sa fille Adrénaline, symbole de la résistance aux Romains pour les lieutenants de Vercingétorix, Monolix et Hypocalorix (ressemblant vaguement à Churchill et de Gaulle), membres du « Front arverne de résistanche checrète » (Farc) qui confient la jeune fille au village avant de rejoindre Londinium (Londres) où sont basés les résistants à l’occupation. Il faut savoir qu’on parle beaucoup avec l’accent arverne (auvergnat) dans cet album chuintant. Ainsi, le cri de ralliement du Farc est : « Forts comme l’aurochs, dichcrets comme la taupe ! ».
La présence d’Adrénaline au village doit rester secrète car la jeune fille est également convoitée par César qui rêve, lui, de l’emmener à Rome pour l’adopter et anéantir le symbole qu’elle représente. L’adolescente quant à elle n’a que faire de ces vieilles histoires. Elle rêve d’aller sur l’île mythique de Thulé pour « aider les enfants sans parents ».
Au village, Adrénaline va rencontrer des ados de son âge, Blinix et Selfix, les fils respectivement du poissonnier Ordralfabétix et du forgeron Cétautomatix qui, comme elle, rêvent qu’un autre monde est possible…
Réfractaires au changement
Face à cette jeunesse qu’ils ne comprennent pas, nos Gaulois semblent un peu dépassés. « Ch’est curieux, on dirait qu’elle n’aime pas la guerre », constatent-ils.
La figure d’Adrénaline fait évidemment penser à Greta Thunberg, la jeune égérie suédoise de la lutte contre le réchauffement climatique (« mais c’est un pur hasard », assure Jean-Yves Ferri). Les références à l’actualité ne manquent pas. Interpellé par Agecanonix, outré qu’un Gaulois comme Adictosérix puisse songer à capturer Adrénaline pour la livrer à César, le félon répond : « Le monde a changé. Vous autres irréductibles arriérés réfractaires au changement vous n’avez rien compris… ».
« Quand j’ai entendu le président (Macron) parler des « Gaulois réfractaires au changement », je me suis dit que je ne pouvais pas louper ça », s’amuse Jean-Yves Ferri. « Par contre, ajoute-t-il avec malice, l’échange entre Blinix et Selfix affirmant qu’il n’y a que « la rue à traverser » pour trouver du boulot, je l’ai trouvé tout seul avant le président. »
On s’amuse également des subtiles références littéraires qui parsèment l’album. À chaque fois que le nom Vercingétorix est évoqué, il figure en caractères minuscules car il est « celui dont on ne doit pas prononcer le nom ». Cela rappellera sans doute quelqu’un aux amateurs d’Harry Potter (le sorcier Voldemort ou « Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom », NDLR). On croise également un jeune Goth qui ne cesse de jouer du tambour (comme le petit Oscar de Günther Grass) et on trouve même un clin d’œil à Molière!
Qu’on se rassure cependant. Ce n’est pas un album pour « intellos ». Les bagarres sont légion (même si « la violence ne sert à rien », rappelle opportunément Obélix… en envoyant valser son menhir), les gags innombrables. Comme souvent chez Astérix, il y a également une « guest-star » qu’on s’amusera à chercher dans les cases de Conrad. On se gardera de dévoiler son nom mais on conseille de scruter les pages où apparaissent les pirates…
L’album bénéficie d’un tirage exceptionnel et sans équivalent dans le monde de l’édition française de 5 millions d’exemplaires (dont 2 millions en français et 1,6 million en allemand). Édité aux éditions Albert-René, l’album est d’ores et déjà assuré d’être le livre qui sera le plus vendu en France en 2019. Un nouvel Astérix paraît tous les deux ans et, invariablement, il se classe toujours en tête des ventes de livres toutes catégories confondues l’année de sa sortie.
LQ/AFP
La Fille de Vercingétorix, scénarisé par Jean-Yves Ferri et dessiné par Didier Conrad. Éditions Albert-René.