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BD – Les facéties de « Joséphine » séduisent le Japon


Joséphine, héroïne de bande dessinée française créée par Pénélope Bagieu, vient titiller la gent féminine japonaise.

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C’est avec beaucoup d’autodérision que Pénélope Bagieu a imaginé son personnage de « Joséphine ». (Photo et illustration : collection Pénélope Bagieu)

Le quotidien de « cette employée de bureau parisienne qui n’a pas de poitrine, pas d’argent, pas de mec, juste un gros derrière » est désormais disponible en japonais en un volume lu et approuvé par l’auteure de manga nippone Mari Yamazaki, qui ne tarit par d’éloges sur les facéties de Joséphine et de sa créatrice, la dessinatrice française Pénélope Bagieu. « Ce qui est fou dans cette BD, c’est la faculté de rebondissement d’une page à l’autre. Si elle avait été créée au Japon, l’histoire aurait pris une tournure toute différente », confie l’auteur des mangas Thermae Romæ, Une famille italienne ou plus récemment, Steve Jobs.

« Moi je dessine des hommes d’âge mur avec un trait hésitant, alors j’admire Pénélope qui, en un rien de temps, trace d’un trait franc le visage d’une pimpante jeune femme », ajoute encore Mari Yamazaki, rencontrée en marge de la troisième édition du Kaigai Manga Festa (festival du Manga étranger) qui se tenait fin novembre à Tokyo, à l’initiative de Frédéric Toutlemonde, amateur de BD et japonophone, fondateur de la revue Euromanga publiée au Japon.

Si la France est le deuxième pays de lecture du manga après le Japon, ce dernier est loin d’être un marché massif pour la bande dessinée franco-belge : il y a certes quelques grands auteurs présents, comme Moebius, Enki Bilal ou Nicolas de Crécy, mais pour un quarteron de passionnés, des hommes en très grande majorité.

> Réservé aux Japonaises averties

Les ouvrages de dessinatrices étrangères y sont rares, même si au pays des mangas les femmes mangaka n’ont rien à envier à leurs homologues masculins. « C’est peut-être la première fois qu’une BD française réalisée par une femme avec une héroïne féminine arrive dans les librairies au Japon », témoigne Takanori Uno, agent littéraire spécialiste de la bande dessinée et du manga.

« Je n’ai pas demandé à être publiée ici, c’est arrivé comme cela, c’est l’éditeur (Du Books) qui a tout réalisé, et c’est très bien, non ? », sourit, de son côté, Pénélope Bagieu. La maison d’édition de Joséphine en version japonaise lui fait en outre une jolie campagne de promotion depuis plusieurs mois avec un blog en langue locale, des séances de dédicaces et des affiches très accrocheuses.

« Les lectrices japonaises me disent se retrouver dans Joséphine, ce qui me surprend, car de la même façon que les Japonaises se font une idée cliché de la femme parisienne, les Françaises s’imaginent les filles nippones très différentes d’elles-mêmes », raconte l’auteur. Mais si le lectorat français de Joséphine est très large, d’autant que la BD a été adaptée au cinéma, la version nippone (clairement destinée aux femmes trentenaires célibataires que l’héroïne est censée décomplexer) a moins de chances de tomber dans les bras d’un homme.

Pas seulement parce que la couverture est rose, comme le note avec ironie la dessinatrice, mais aussi parce qu’au Japon, les livres sont rangés dans les points de vente par catégories de public très précises : si bien qu’un lecteur qui fouine au rayon des livres prétendument pour femmes (qui plus est plutôt jeunes) risque à coup sûr de passer pour un pervers.

« C’est dommage », déplore Mari Yamazaki dont les mangas sont justement parmi les plus difficiles à classer. L’éclectique dessinatrice des aventures de Lucius dans les thermes romains et les bains japonais envie aussi les mois dont disposent les auteurs occidentaux pour créer un album, alors que les mangakas doivent rendre des pages toutes les semaines ou tous les mois pour une publication en feuilleton dans des périodiques. « Les éditeurs français aimeraient que nous, dessinateurs, allions plus vite, mais ils ne peuvent pas exercer sur nous la même pression que le font leurs homologues japonais sur les mangakas, sinon on partirait », confirme Pénélope Bagieu, qui souligne néanmoins être une des rares créatrices françaises de BD à pouvoir vivre de ses œuvres.

Le Quotidien