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[BD] La Canadienne Julie Doucet remporte le Grand Prix à Angoulême


La Canadienne Julie Doucet recevant le Grand Prix de l'Américain Chris Ware (à d.) pour l'ensemble de son œuvre lors du 49e festival international de la Bande dessinée d'Angoulême. (photo AFP)

La Canadienne Julie Doucet, autrice de bande dessinée « underground » qui n’avait jamais couru après la reconnaissance, a reçu mercredi le Grand Prix du festival d’Angoulême, manifestation qui a rendu hommage au peuple ukrainien.

La Québécoise de 56 ans est seulement la quatrième femme à inscrire son nom à ce palmarès prestigieux, après les Françaises Claire Bretécher et Florence Cestac et la Japonaise Rumiko Takahashi. Elle y est aussi la première Canadienne, la très grande majorité des lauréats étant européens, surtout Français ou Belges. « Tout ça, c’est parti de presque rien, un petit fanzine dans les années 80 avec un titre pas très net. Et me voici à Angoulême, j’ai gagné le prix le plus important de l’industrie de la bande dessinée », a-t-elle dit lors de la cérémonie d’ouverture du festival, au Théâtre national d’Angoulême.

Julie Doucet est connue surtout pour les fanzines qu’elle a signés il y a une trentaine d’années, Dirty Plotte, expressionnistes voire trash.

Devenu quasi introuvable, et objet de culte pour de nombreuses dessinatrices, ce travail a été remis en lumière en novembre grâce à sa publication en un volume par l’éditeur français L’Association. Derrière sa couverture ornée d’autoportraits colorés, le livre qui en a été tiré, Maxiplotte (400 pages dont la grande majorité en noir et blanc), est réservé à un public averti.

La Montréalaise est connue pour son extrême discrétion, voire sa réticence à apparaître en public. Certains se sont même demandé s’il était adapté, malgré son talent, de la faire concourir à cette récompense, qui est à la bande dessinée ce que le prix Nobel de littérature est au roman.

Hommage à l’Ukraine

Elle a cependant été plébiscitée par le vote de ses pairs, devant deux Françaises, Pénélope Bagieu et Catherine Meurisse, déjà battues en finale l’année précédente par l’Américain Chris Ware.

La difficulté des femmes, de plus en plus nombreuses comme autrices, à s’imposer dans le milieu de la BD, autrefois perçu comme machiste, est un sujet de polémique récurrent à Angoulême. Celles-ci sont en effet beaucoup plus touchées par la précarité que leurs collègues masculins et elles accèdent encore peu aux postes de direction dans les maisons d’édition.

La question a été illustrée par la difficulté de la Cité internationale de la BD d’Angoulême à trouver une candidate pour devenir directrice générale après le départ de Pierre Lungheretti. C’est un homme qui a décroché le poste, Vincent Eches, connu comme directeur du festival de BD Pulp en région parisienne. « Je voudrais dédier ce prix à toutes les autrices du passé, du présent et du futur », a affirmé Julie Doucet.

Le festival d’Angoulême s’est ouvert mercredi soir après avoir dû annuler son édition 2021 en raison de l’épidémie de covid-19 et reporter celle de 2022 à une date inhabituelle. Un mal pour un bien: depuis fin janvier, période à laquelle il se tient traditionnellement, la situation sanitaire s’est suffisamment améliorée pour permettre d’accueillir le grand public sans pass vaccinal, ni masque. La dernière édition en date, en 2020, avait attiré près de 200 000 visiteurs dans la cité charentaise, qui revendique le titre de « capitale mondiale de la BD ».

La cérémonie d’ouverture a été l’occasion d’un « concert de dessins » en hommage au peuple ukrainien, qui affronte l’invasion de l’armée russe déclenchée en février. Le dessinateur de BD américain Chris Ware, qui remettait le prix 2022 à Julie Doucet après l’avoir lui-même remporté en 2021, a comparé le président russe Vladimir Poutine à « la brute de la cour de récréation ».