[BD] Hiroshiman, arme de dérision massive

Hiroshiman est de retour ! Le premier volume de l’intégrale du superhéros atomico-lubrique créé par Rifo sort aux toutes nouvelles éditions Rouquemoute.

Le superhéros atomique, pas méchant pour deux sous bien qu’un poil pervers, vit à Mégapolis, une ville qui ne lui laisse pas le temps de chômer entre attaques de puces géantes, monstres tout droit sortis d’univers lovecraftiens ou inventions dévastatrices dues à de dangereux savants fous. Mais si les bonnes intentions d’Hiroshiman ne peuvent jamais être remises en question, l’irradié aux bandelettes et chapeau haut-de-forme est malheureusement un peu godichon et ses efforts pour sauver le monde sont parfois plus dévastateurs que les actions de ses ennemis… C’est ballot.

Imaginée dans un monde qui venait de connaître Tchernobyl et Three Mile Island, mais pas encore Fukushima, l’identité radioactive d’Hiroshiman est indiscutable. C’est écrit dessus. Mais Rifo, qui vit dans les Alpes (pas très loin de la centrale nucléaire du Bugey), dédramatise tout de suite : «Le nucléaire n’est qu’un alibi pour raconter mes conneries de monstres mutants et de gonzesses à poil. Les histoires d’Hiroshiman sont avant tout des blagues, une antithèse de Superman et de sa perfection physique et morale.» On est rassuré !

Vrai que l’atmosphère générale de ces petites histoires réunies pour la première fois ici sur plus de 100 pages lorgne ouvertement sur la série Z. Mégapolis, le théâtre des opérations, est la ville américaine fantasmée par excellence. Rifo avoue d’ailleurs être «un gros fan de Will Elder et de Geof Darrow», deux auteurs de comics US. Sa représentation de l’urbanité mérite que l’on s’y attarde tant elle est travaillée, pétrie de force détails qui rendent les relectures aussi jouissives que leur découverte. Ce tropisme pour les grandes cités est d’autant plus étonnant que l’auteur vit, lui, à la campagne ! «Ce sont les mégalopoles qui me fascinent par leur côté industriel années 60 très moche. J’ai vécu dix ans à Lyon du côté de la Part-Dieu et de la Croix-Rousse, et je peux vous dire qu’à l’époque, c’était carrément ambiance fin du monde à certains endroits.»

«Tout ça peut foutre un peu la trouille»

Et à Mégapolis, donc, le quotidien n’est pas un long fleuve tranquille. Parmi les dangers qui réclament (souvent pour le pire), l’intervention d’Hiroshiman, on note l’apparition récurrente d’insectes géants. «Quand j’étais petit, je collectionnais les coléoptères et j’étais fasciné par les énormes insectes d’Afrique et d’Amérique du Sud, comme le Goliath ou le dynaste Hercule. Mon père m’avait acheté beaucoup de bouquins sur le sujet. Dans mes BD, j’ai mis des insectes géants rarement utilisés dans les films comme les morpions, les puces ou les mouches.» Le choc des échelles entre les pauvres petits humains et ces énormes bestioles dessinées de manière réaliste, donc franchement dégueulasses, marche à tous les coups !

C’est d’autant plus vrai que, pour cette intégrale, Rifo a colorisé les anciennes planches qui n’existaient jusque-là qu’en noir et blanc. Et ce n’est effectivement pas un détail, «la mise en couleurs de mes planches rend certains dessins beaucoup plus lisibles».

Publiées principalement dans le magazine de BD Psikopat, quelques histoires ont été éditées aux éditions du Zébu. Jusqu’à présent, elles étaient pratiquement introuvables. L’édition de cette intégrale est donc une heureuse initiative de la part d’une toute nouvelle maison (les éditions Rouquemoute) qui lance son activité avec le superhéros culte de Rifo.

Un auteur qui ne s’interdit d’ailleurs pas de poursuivre les aventures de son irradié. «Je ne sais pas de quoi l’avenir d’Hiroshiman sera fait, mais si les lecteurs ont envie de le retrouver, tout est possible !» Car, au fond de lui, même s’il assure que le nucléaire n’est qu’un prétexte, il sait qu’il tient un superhéros détonnant particulièrement dans l’air du temps. «Quand j’étais petit, j’avais rempli un cahier avec des dessins de bombes A et H. Plus tard, j’ai lu quelques bouquins assez édifiants sur le sujet et dont je cite quelques passages dans une histoire qui s’appelle Le Grand Débat. Tout ça peut foutre un peu la trouille, surtout avec le missile nucléaire Satan 2, qui nous annonce une fin du monde pour bientôt, hum…». Hiroshiman, au secours !

Erwan Nonet