L’auteur Simon Hureau raconte comment, en dix années de labeur et d’expérimentations, il a transformé son modeste jardin familial en oasis de verdure, dans laquelle la biodiversité a repris ses droits. Un ouvrage nécessaire, richement illustré.
On ne compte plus, cette année, le nombre de jardins qui se sont développés durant le confinement. La météo conciliante et la restriction des déplacements aidant, chacun a sorti les gants, la bêche et l’arrosoir. Sur les réseaux sociaux, les comparaisons allaient bon train sur la qualité des semis ou la taille des courges. On s’improvisait alors spécialiste de boutures, de carrés de potager, de permaculture…
Simon Hureau, lui, n’a pas attendu le Covid-19 pour tester sa main verte. Il en a juste fait un livre, qui ramène à août 2018 quand, en direct à la radio, Nicolas Hulot, alors ministre de l’Écologie en France, démissionnait de son poste, dégoûté que l’enjeu écologique soit aussi peu pris en considération par le gouvernement. Car oui, «la biodiversité fond comme la neige au soleil», comme il dit, et aucun politique n’en tient rigueur.
Du coup, l’auteur s’est lancé dans le pari d’écrire un livre dans le but de démontrer que la situation n’est pas nécessairement irréversible. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait, il y a quelques années de ça, en quittant la ville pour la campagne (en région Centre-Val de Loire), et en transformant, à son modeste niveau, son jardin, «un vague espace extérieur», en terrain vivant, havre de verdure où la faune et la flore se plaisent. C’est que cet autodidacte, accompagné dans son labeur par sa famille, est parti de zéro. Derrière chez lui, c’était loin d’être l’éden : une langue de pelouse, un lilas avachi, deux vieux cerisiers et des pieds de vigne, tout aussi fatigués… Mais sa volonté, son courage et son sens de la débrouillardise prennent le dessus : «On n’a pas dressé de plan, pas édicté de grands principes, pas spécialement lu de livres, on ne s’est cristallisés sur aucun dogme, aucune tendance, on s’est contentés d’y aller à l’instinct», explique-t-il dans le livre.
« Quête permanente d’équilibre entre le faire et le laisser-faire »
Derrière sa maison, juste en bordure de voie ferrée, son jardin de 500 m2 (qui doublera sa surface après l’achat de celui du voisin) se métamorphose : les plantes s’associent, se complètent, accueillent les insectes, puis les oiseaux et d’autres animaux (chauves-souris, hérissons…). La vie reprend, s’agite, suit son cours, réenchante l’espace, sous le regard bienveillant de Simon Hureau. «Repenser son environnement proche, tel que son jardin, c’est laisser la nature reprendre ses droits, à bon escient», précise-t-il, ajoutant : «Le jardin doit rester cette sorte de quête permanente d’équilibre entre le faire et le laisser-faire, entre le dompté et le sauvage, entre le désiré et l’incontrôlable…».
L’Oasis, comme son nom l’indique, raconte les efforts d’un homme pour faire «repartir la nature», le plus naturellement possible, à son rythme et à moindres frais. En somme, «montrer qu’il est possible de faire de son jardin un havre» pour la faune et la flore. Ainsi, l’auteur, jamais retenu dans ses efforts, ses découvertes ou son ingéniosité, se pose ici en observateur. Mieux, en entomologiste. Au fil des pages, on fait ainsi la connaissance d’une centaine d’espèces, parsemées dans un ouvrage qui se veut, par conséquent, pédagogique.
Les planches aux tons pastel décrivent avec réalisme – et poésie – oiseaux, plantes ou insectes, démontrant l’incroyable richesse du vivant qui nous entoure, malheureusement trop souvent ignorée. À travers sa démarche, Simon Hureau démontre plusieurs choses : que l’Homme doit se débarrasser de ses penchants, néfastes, pour la monoculture, le bitume, les engrais, les pesticides, et que sa présence sur Terre est moins précieuse que celle de la faune et de la flore. Bref, qu’accepter la biodiversité, c’est reconnaître à chacun une place, un rôle. Mais bien plus que de grands discours, l’auteur prouve que chacun, à son échelle, peut agir, «sans grandes connaissances ni grands moyens». Et faire resurgir la vie du néant.
Grégory Cimatti
L’Oasis (Petite genèse d’un jardin biodivers), de Simon Hureau. Dargaud.
L’histoire
Quelque part entre les Souvenirs entomologiques de Jean-Henri Fabre et l’émission Silence, ça pousse sur France 5, Simon Hureau raconte comment il a peu à peu redonné vie à son jardin abandonné à la friche par son ancien propriétaire. Sans connaissances particulières sur le sujet, l’auteur, avec beaucoup
de recherches, de passion et d’huile de coude, parvient à recréer à partir d’un no man’s land une oasis de biodiversité, et témoigne ainsi des capacités de résilience de la nature, pour peu qu’on lui file un coup de main. Un livre d’autodidacte érudit, passionné et passionnant.