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« BD Cul » des Requins Marteaux sait s’amuser de la sexualité !


Les Requins Marteaux ont voulu rendre hommage à la BD pornographique en revisitant le genre avec humour. (Illustration : DR)

Dirigée depuis 2010 par le duo Felder et Cizo, cette collection «pimentée» revisite l’héritage d’Elvifrance, fameux éditeur de BD pornographiques bon marché des années 80. Un moyen de rigoler tout en renouvelant le genre. Il n’y a pas que Manara, Crepax ou Crumb dans la vie!

Il est aujourd’hui possible d’aller chez son libraire préféré et de réclamer, à haute voix, sans gêne, une BD érotique, voire pornographique. Un geste décomplexé permis grâce aux Requins Marteaux, maison déjantée et agitatrice, qui a voulu rendre hommage à un genre célébré par certains éditeurs «spécialisés» (Elvifrance, Tabou, Dynamite…), et confiné – ça va de soi – à un public masculin.

Là, avec «BD Cul», collection lancée en 2010, on vise large, avec des auteurs venant de tous les horizons. Lisa Mandel, l’une des instigatrices (avec Cizo et Felder), explique : «On voulait voir comment un auteur talentueux pourrait se confronter à un tel univers, sourit-elle. Du coup, on a créé un blog», qui va connaître un succès certain, libre, sans catégorisation. «Une de mes copines a signé une histoire, alors que d’habitude elle fait dans la BD jeunesse!», poursuit-elle.

Giclées d’humour

Un généreux élan et un décloisonnement décontracté qui va vite se matérialiser sur papier. La raison est évidente : «La sexualité, c’est un terrain sulfureux que l’on a toujours envie d’explorer», dit-elle encore. Et c’est ainsi que Comtesse, d’Aude Picault, ouvre le bal, récit initiatique d’une aristocrate, entre découvertes du plaisir et hommages visuels aux peintures de Fragonard. Un ouvrage subtil, poétique, venant d’une auteure. Ce qui fait dire à Lisa Mandel : «C’est très important d’avoir un point de vue mixte. Et une femme, ça ajoute un peu de classe dans la pornographie!»

Suivront, jusqu’à aujourd’hui, 16 autres BD, toutes imaginées sur les bases de la littérature de gare des années 1970 – ces petits fascicules à prix modique dont les couvertures attiraient l’œil – et articulées autour d’une idée simple: un artiste déjà connu a carte blanche pour illustrer un récit coquin explicite ou non.

Ainsi, côté «dessins», on passe des illustrations faussement enfantines d’Anouk Ricard aux planches muettes de Mrzyk. D’autres, comme Bastien Vivès, offrent de vrais tableaux suggestifs. À cela s’ajoute une galerie de personnages, tout autant hétérogènes (animaux, aristocrates, explorateurs spatiaux…) et des histoires folles (comme le curé du village de Bouzard), agrémentées de belles fausses publicités ô combien «subtiles»… Une réunion, du coup, à voir comme un vaste terrain d’expérimentations pour les auteur(es), qui peuvent ainsi se lâcher. Le public, lui, est ravi et en redemande. Une fusion totale, en somme.

BD déjà parues :

2018
La Décharge mentale (Bastien Vivès)
Les Escalopes (Sébastien Lumineau)

2017
La Villa S. (Antoine Cossé)
L’Éjaculation sentimentale (Wassim)
Bite Fighter (Olivier Texier)

2016
Coup de frein sur la côte (Roxane Lumeret)
L’Odyssée du vice (Delphine Panique)

2015
Les Voyages de Teddy Beat (Morgan Navarro)

2014
Bernadette (El Don Guillermo)

2013
Planplan culcul (Anouk Ricard)
Q (Petra Mrzyk)
La Bibite à Bon Dieu (Guillaume Bouzard)

2012
I Love Alice (Nine Antico)

2011
Les Melons de la colère (Bastien Vivès)
Teddy Beat (Morgan Navarro)

2010
Comtesse (Aude Picault)
La Planète des vulves (Hugues Micol)

www.lesrequinsmarteaux.com

Grégory Cimatti