Lucky Luke fête ses 70 ans, Tintin avec Hergé s’expose au Grand Palais, Disney ranime Doctor Strange dans la galaxie Marvel, vivier inépuisable de la fabrique moderne des blockbusters.
Les vieux héros doivent avoir pactisé avec le diable. Le temps glisse sur leur jeunesse éternelle, à l’image du fringant septuagénaire Lucky Luke, « notre ami à tous », résume son éditeur Philippe Ostermann, directeur général délégué de Dargaud. Jul, scénariste du nouvel album à paraître début novembre, voit en Lucky Luke un « Bob Dylan, à la fois folk et universel ». Avec Astérix, le cow-boy justicier est « un pilier de notre roman national », dit-il.
Figures indémodables, évoluant avec leur temps, portant des valeurs indiscutables (la résistance, la liberté, la solidarité, l’altérité, etc.), les héros de BD entrent même au musée désormais : Tintin vient de s’installer au Grand Palais, à Paris, trois ans après Astérix à la Bibliothèque nationale de France.
Chaque nouvel album de ces héros de la culture populaire est un best-seller. Le succès commercial de Lucky Luke, 70 ans, se chiffre à 200 millions d’albums vendus depuis sa création en 1946. Le phénomène éditorial passe les frontières. Tintin, 87 ans, a diffusé ses aventures à plus de 230 millions d’exemplaires à travers le monde, dans plus de 80 langues et dialectes. Astérix, 57 ans, traduit en 111 langues et dialectes, a écoulé plus de 350 millions d’exemplaires depuis sa création en 1959.
L’univers de ces héros sans âge fait l’objet « d’une exploitation merchandising et audiovisuelle intensive », pour reprendre les termes de l’éditeur de Lucky Luke, qui y voit un moyen d’introduire le personnage « auprès d’une très large partie de la population et auprès de plusieurs générations de lecteurs ».
Icônes du jeune public
Le cinéma a considérablement accru la visibilité des vieux héros, mutés en icônes du jeune public. La saga des Astérix est une formidable potion magique pour le box-office. En 2002, Astérix : mission Cléopâtre a fait un malheur, avec 14,5 millions d’entrées en France. Bien plus fort qu’ Astérix et Obélix contre César , avec le duo Depardieu- Clavier, 8,9 millions d’entrées en France et 101 millions de dollars de recettes mondiales.
En 2011, le maître Spielberg avec Les Aventures de Tintin : le secret de la Licorne, Golden Globes du meilleur film d’animation, a attiré 5,2 millions de fans en France, et récolté 373 millions de dollars de recettes internationales.
Les Américains ont quasiment industrialisé la production des blockbusters à partir des super-héros de Marvel et de DC Comics. La franchise des Avengers frôle les 3 milliards de dollars de recettes mondiales, celle des X-Men atteint 2,8 milliards. Batman suit, à 2,4 milliards. Qu’il soit joué par Val Kilmer, Michael Keaton, George Clooney ou encore Christian Bale, Batman entre dans n’importe quel scénario.
Comme avec LucasFilm et Star Wars, Disney en rachetant Marvel Entertainment fin 2009 s’est offert un catalogue inépuisable de héros de blockbusters. Après Iron Man, Thor, Hulk, Captain America ou encore Ultron, voici Doctor Strange , sorcier aux pouvoirs occultes. Pour Disney, « ce film fait partie de la troisième phase de l’univers cinématographique Marvel, dont l’objectif est de faire découvrir de nouveaux héros tout en perpétuant les aventures des personnages Marvel préférés du public ». Strange, nouveau venu ? Le personnage est apparu dans le numéro 110 de la revue Strange Tales en juillet 1963. Un quinquagénaire qui comme tous les héros ne meurt jamais.
Nathalie Chifflet (Le Républicain Lorrain)