Jamais arrêté depuis 1974, excepté en 2021 en raison du covid, le plus grand festival consacré à la BD n’aura pas lieu en janvier, à la suite d’un bras de fer entre organisateur, auteurs et financeurs publics.
Ce lundi, le festival international d’Angoulême, plombé par le boycott d’auteurs, a été officiellement annulé par la société organisatrice 9e Art+, qui rejette sur les financeurs publics «la responsabilité» de cette décision quasi inédite. Depuis plusieurs semaines, la plus grande incertitude entourait la 53e édition du Festival international de la bande dessinée (FIBD) prévue du 29 janvier au 1er février, l’un des plus grands rendez-vous du secteur qui attire chaque année des auteurs du monde entier et quelque 200 000 visiteurs.
Après une édition 2025 sous tension, de nombreux auteurs et autrices, dont la lauréate du Grand Prix 2025 Anouk Ricard, avaient annoncé boycotter l’édition 2026, critiquant l’opacité et la dérive commerciale du festival. S’appuyant sur des révélations du quotidien L’Humanité, ils reprochaient également à 9e Art+ d’avoir licencié une salariée qui venait de porter plainte pour un viol survenu en marge du festival en 2024.
Face à la tempête, les grandes maisons d’édition avaient jugé l’édition à venir «compromise», estimant que «la confiance» avec les organisateurs était «rompue», avant que les financeurs publics, qui contribuent pour moitié à son budget d’environ six millions d’euros, n’appellent le 20 novembre à une annulation pure et simple.
«Conséquences humaines et économiques»
Face à la pression, la société 9e Art+, qui organise l’événement depuis 2007, a décidé d’annuler la prochaine édition du festival pour la première fois depuis sa création en 1974, excepté en 2021 en raison de l’épidémie de covid. «Cette situation ne résulte en aucun cas d’un choix de la société 9e Art+ dont le FIBD constitue l’unique raison d’être, mais bien d’une décision unilatérale prise sans concertation par les financeurs publics», détaillent dans un communiqué Me Vincent Brenot et son confrère Ghislain Minaire, , avocats de la société 9e Art+.
Une accusation rejetée auprès par la région Nouvelle-Aquitaine, un des principaux financiers publics du festival, qui évoque une «pirouette». «On a un organisateur qui oublie juste que c’est lui qui a provoqué cette crise, avec un boycott de quasi 100% des auteurs de la filière et la quasi-totalité des éditeurs», estime Frédéric Vilcocq, conseiller culture de la région Nouvelle-Aquitaine. Après l’édition 2025, les opposants à 9e Art+ avaient obtenu de l’association FIBD, détentrice des droits du festival, le lancement d’un appel d’offres dans l’espoir qu’un nouvel organisateur soit désigné après l’édition 2027.
À l’issue du processus, critiqué pour son manque de transparence, 9e Art+ avait toutefois été reconduit début novembre, provoquant une nouvelle levée de boucliers. Face au tollé, la reconduction avait été annulée par l’association FIBD qui avait même décidé d’écarter 9e Art+ du futur appel d’offres, sans toutefois réussir à éteindre l’incendie.
Les financeurs publics (État, région, collectivités) avaient alors fait part de leur intention de «reprendre la main» sur l’organisation future de l’événement. Selon un communiqué, la société 9e Art+ affirme s’inquiéter «des conséquences humaines et économiques de l’absence d’édition 2026» et pointe la «lourde incertitude» qui entoure l’édition 2027, dont l’organisation lui «appartient juridiquement».