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[Bande-dessinée] Maltempo : sur un air d’Italie


Une fois encore, Alfred manipule avec mélancolie et légèreté ses souvenirs, qu’il chahute seulement quand la guitare se met à gronder (dans un graphisme nerveux d’ailleurs bien vu). (Photo : delcourt )

Après Come Prima et Senso, Alfred clôt sa trilogie italienne avec une nouvelle histoire, nourrie de ses souvenirs d’enfance, toujours pleine d’humanité et de soleil.

L’histoire

Sur sa petite île coincée entre le marteau de la mafia et l’enclume de la misère, Mimmo, quinze ans, rêve d’échapper à la fatalité d’une vie au rabais. Il le sent, il le sait, c’est avec sa guitare qu’il s’en sortira. Quand il apprend que le casting d’une célèbre émission musicale arrive, ne pas laisser passer cette chance devient son idée fixe, son horizon…

Depuis dix ans, Alfred s’est fait un nom (ou plutôt un surnom) pour tous les amoureux de l’Italie, ses parfums et son caractère, qu’il ramène régulièrement au cœur d’ouvrages lumineux. Contrairement à un autre fier représentant de l’héritage transalpin, Baru, aux ancrages plus locaux et biographiques, lui défend une méthode toute personnelle : piocher tous azimuts dans ses «carnets de notes intimes», ses «vides tête» comme il les appelle, afin de sortir des pages un «plein d’émotions», terreau de départ à la fiction. Ce sont même elles qui le guident à tâtons dans ses récits, avec pour seule racine une base commune : son Italie, «multiple» et «affective».

Concrètement, voilà la procédure : Alfred (d’origine italienne par son père) mélange des «éléments disparates», précise-t-il, parfois «espacés de dizaines d’années et de centaines de kilomètres». Des souvenirs remontant à l’enfance, des anecdotes familiales et autres réflexions, avec lesquels il prend alors certaines «libertés». Au bout, des albums qui ne se suivent pas (et se lisent indépendamment) mais qui restent liés par les thèmes et le style. Lui qualifie cela d’albums au ton «cousin». On en compte désormais trois : Come Prima (Fauve d’or de la meilleure BD à Angoulême en 2014), Senso (2019) et Maltempo.

Horizons bouchés

Après l’histoire fraternelle en Fiat 500 du premier (adapté au cinéma en Italie) et la soudaine passion amoureuse du second, Alfred conclue sa trilogie, ou plutôt une «manière de raconter des histoires», avec Mimmo, 15 ans, guitare en bandoulière et le spleen à l’âme. Dans son petit village méditerranéen accroché à la côte, la misère semble la seule promesse d’avenir : soit on répond aux appels du pied de la mafia du coin, soit on bosse sur les chantiers.

Lui pense qu’une autre voie est possible, et que l’on peut prendre de l’altitude face aux horizons bouchés. C’est ainsi qu’avec ses trois vieux potes (Guido, Cesare et Gennaro), ils remettent sur pied leur ancien groupe de rock avec, en vue, un passage sur scène à l’occasion d’un télé-crochet, seul tremplin à l’oisiveté et l’immobilisme.

Mon Italie est multiple et affective

Maltempo, comme ses deux prédécesseurs, tient beaucoup à son «casting», galerie d’anti-héros «avec une flamme qui brûle en eux», ajoute l’auteur. Fan du cinéma italien des années 1950-1960, Alfred aime ces «gens ordinaires, lambda» au centre d’un «désir plus fort que leur vie». Chez Mimmo comme ses amis, l’ardeur est encore plus puissante, sans filtre, car naviguant sur les «terres sauvages de l’adolescence».

Au milieu de l’urbanisation repoussante et du fascisme décomplexé, entre les filles, les journées sans but et les parents absents, la bande cherche un exutoire dans la musique. Car «on a besoin de rêver comme tout le monde», et qui sait, aller plus loin que ce foutu destin.

Une fois encore, Alfred manipule avec mélancolie et légèreté ses souvenirs, qu’il chahute seulement quand la guitare se met à gronder (dans un graphisme nerveux d’ailleurs bien vu). Rien d’étonnant de savoir que l’auteur appuie cet album de deux chansons, enregistrées par ses soins. Sous un ciel jaune et un trait épuré (sans oublier de bonnes idées de découpage), il façonne alors une ballade douce-amère et tendre, d’où résonne un cri de liberté. De ses aveux, si la trilogie est finie, «l’Italie restera très certainement au cœur de pas mal de projets». C’est qu’il reste tant de carnets à exploiter…

Maltempo, d’Alfred. Delcourt.

Un commentaire

  1. Le saviez-vous ? Come prima, la bande dessinée d’Alfred, primée à Angoulême, a fait l’objet d’une adaptation théâtrale par la compagnie not me tender. La prochaine date c’est le 12 novembre à Briare !