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« Baby(a)lone », une jeunesse luxembourgeoise à la dérive


C’est devant deux salles combles que le très attendu Baby(a)lone, de Donato Rotunno, a clôturé, samedi, le Luxembourg City Film Festival. Un voyage au cœur de l’enfance brisée et d’une adolescence à la dérive.

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Les très jeunes Joshua Defays et Charlotte Elsen portent le film avec une grande sincérité. (Photos : Ricardo Vaz Palma)

C’est l’histoire de deux très jeunes adolescents pour qui la vie n’a jusque-là pas été une partie de rigolade, bien au contraire. C’est l’histoire de leur rencontre qui va faire basculer leur quotidien morose dans une tout autre aventure.

Cette histoire ne se passe pas dans les bas-fonds d’une quelconque cité sombre et violente que nos voisins peuvent connaître. Cette histoire se passe ici, dans un des pays les plus riches du monde, au cœur du Grand-Duché de Luxembourg à l’image si parfaite et si lisse.

Le roman à l’origine du film, Amok, est le premier roman en luxembourgeois de Tullio Forgiarini, lui-même enseignant dans une de ces classes que l’on appelle « mosaïques ». X (le nom du personnage ne sera jamais cité) et Shirley se rencontrent dans une de ces classes différentes, où l’on range ceux qui ne rentrent pas dans le moule de l’Éducation nationale.

À deux, ils se sentiront pousser des ailes, ils s’aimeront, se pousseront, vivront des sentiments que personne ne leur a laissé la possibilité de vivre jusque-là. Eux que tous souhaitent cacher aux yeux du monde, en carence d’amour et de cadre parental. Eux, dont le Luxembourg ne parle jamais, c’est par le pire qu’ils existeront, enfin.

> Courageux et imparfait

C’est à six mains qu’ils ont adapté le roman à l’écran, l’auteur, le producteur et le réalisateur, pour donner vie à Baby(a)lone. Et ce sont deux jeunes amateurs, aussi jeunes que leurs personnages dans le film, qui ont campé les difficiles rôles principaux.

Joshua Defays et Charlotte Elsen font ce qu’ils peuvent avec toute la sincérité et la préparation qu’ils ont eues pour interpréter ce qui auraient pu être les rôles de leurs vies. Ils sont touchants, justes, un peu trop timides parfois et beaucoup trop jeunes souvent pour comprendre, ressentir et retransmettre le mal-être et la misère profonde de leurs personnages.

Et tout le film reste, tout le long, plus ou moins à l’image du casting de ses personnages principaux, touchant par sa sincérité hors norme, une énergie débordante, la passion de faire ce que le cinéma propose de mieux, mais avec un «je ne sais quoi» qui fait défaut. Un tout petit rien.

En effet, l’image est sublime, portée par le talentueux Jako Raybaut, ses couleurs acidulées et ses choix de plans alternant étouffement sur les personnages et sentiment de solitude servent le scénario du film avec perfection et tendresse. L’actrice Gintare Parulyte, quant à elle, nous offre une des meilleures performances de sa carrière dans son rôle d’éducatrice aimante, attachante, tout en ayant ce brin de folie, borderline, venant former un véritable trio où chacun y va de sa névrose. Si par contre, la musique est à la limite du cliché et devient à chaque instant un peu plus insupportable, s’il manque un peu de profondeur dans les émotions, Baby(a)lone n’en reste pas moins un film courageux qui humanise un pays dont les contours sont souvent bien insipides.

Il faut que tous les parents, enseignants, éducateurs et enfants de ce pays voient ce film, en parlent, parce que la misère existe aussi ici, à côté de nous, parce que la perte de soi n’est jamais si loin, quelles que soient nos conditions sociales. Donato Rotunno a fait un pari risqué : faire un film sur les jeunes, par des jeunes, pour les jeunes. Un exercice difficile et courageux que peu de réalisateurs prennent le risque de faire.

De notre collaboratrice Mylène Carrière


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