Le couturier franco-tunisien Azzedine Alaïa est décédé à l’âge de 77 ans, a-t-on appris samedi auprès de la Fédération de la haute couture et de la mode.
Connu pour ses robes intemporelles sublimant le corps féminin, Azzedine Alaïa avait percé dans les années 1980. Figure atypique de la mode à Paris, il présentait ses défilés selon son propre calendrier, à l’écart de la frénésie des Fashion weeks et sans mise en scène spectaculaire.
« Magicien des ciseaux »
« C’est un couturier de grand talent qui s’en va. Je le connaissais pour son travail. C’est une très triste nouvelle », a déclaré le couturier Pierre Cardin.
Pour l’ancien ministre de la Culture et président de l’Institut du monde arabe Jack Lang, « Azzedine savait mieux que quiconque sublimer les femmes ». « Il les aimait et elles, en retour, lui vouaient une vénération infinie », a-t-il déclaré sur son compte Facebook, ajoutant : « il était un magicien des ciseaux et de la couture ».
Allergique à la promotion, ce petit homme discret, invariablement vêtu d’un costume chinois passe-partout, avait le luxe de se passer de publicité. Ses rares défilés se déroulaient en petit comité dans son atelier-boutique du Marais.
Alaïa concevait ses vêtements en trois dimensions, se servant peu du dessin. Il faisait beaucoup de sur-mesure, en haute couture, mais aussi du prêt-à-porter, contournant le diktat du renouvellement systématique à chaque saison: Il lui arrivait de proposer la même robe « indémodable » deux ans d’affilée.
Étudiant la sculpture aux Beaux-Arts de Tunis, ce fils d’agriculteurs commence à travailler pour une couturière de quartier. Débarquant à Paris à la fin des années 1950, il travaille brièvement chez Dior et chez Guy Laroche.
D’Arletty à Grace Jones
Jeune homme au pair, il commence à habiller des femmes du monde dont il devient souvent le confident. Elles lui présentent Arletty, une de ses muses, et même « la » Garbo.
Le couturier contribue largement à définir la silhouette féminine des années 1980, à l’assurance sexy, en inventant le body, le caleçon noir moulant, la jupe zippée dans le dos, des modèles copiés à l’infini. Ses robes seconde peau sont à la fois provocantes et distinguées.
Les célébrités se l’arrachent, notamment la sculpturale Grace Jones qui pose dans ses vêtements sous l’objectif de Jean-Paul Goude. En 1989, c’est ce dernier qui commande à Alaïa la toge-drapeau portée par la cantatrice Jessye Norman pour le défilé du Bicentenaire de la Révolution française.
En 2000, il signe un accord avec Prada, qui lui permet de se développer, mais dont il se dégage sept ans plus tard, au profit d’un adossement au géant suisse du luxe Richemont. Malgré ce changement d’affiliation, Alaïa n’avait rien modifié à son fonctionnement, travaillant inlassablement de nuit, au son de vieux films.
Le Quotidien/AFP