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Avant Guernica, l’art entre héroïsation et dénonciation de la guerre


"Guernica" est sans doute le cri le plus fort de l'art face à la guerre. (photos AFP)

Longtemps dominé par les représentations de batailles héroïques, l’art opère un tournant au XIXe siècle en dénonçant les atrocités des combats, comme le fera plus tard Picasso avec « Guernica » (1937). Voici quatre œuvres emblématiques de la représentation de la guerre dans l’histoire de l’art.

FILES-AUSTRALIA-ART-FRANCE« Le Premier Consul franchissant les Alpes », David (1800)

Représentation du futur Napoléon dressé sur un cheval exagérément cabré, ce tableau du peintre français Jacques-Louis David atteste de la vision héroïque qui domine l’histoire de l’art jusqu’au début du XIXe siècle. Elle fait référence à un épisode fameux : Bonaparte traversa les Alpes à dos de mule pour surprendre l’armée autrichienne en Italie.

Ce portrait militaire offre une vision idéalisée et sert de propagande en glorifiant son personnage qui entre dans la légende, après Hannibal et Charlemagne (dont les noms apparaissent en bas du tableau).

Napoléon « se faisait accompagner par des artistes pour fixer son image de conquérant et les mettait en compétition pour parvenir à créer l’image parfaite », indique l’historienne de l’art Claire Maingon, auteur de L’art face à la guerre.

FILES-SPAIN-GOYA-NAPOLEON« Tres de Mayo », Goya (1814)

« Les artistes ont contribué au mouvement de désenchantement face à la guerre, qui s’amorce au tournant du XIXe siècle, lors des campagnes napoléoniennes », montrait l’exposition « Les Désastres de la guerre, 1800-2014 » qui s’est tenue au Louvre-Lens mi-2014. Illustration de ce changement : le tableau de l’Espagnol Francisco de Goya Tres de Mayo qui raconte le massacre perpétré par l’envahisseur français le 3 mai 1814.

Œuvre de dénonciation, elle montre des opprimés face à la brutalité de l’armée napoléonienne. L’homme à la chemise blanche offre sa poitrine aux balles du peloton d’exécution, dans un geste de défiance et d’insoumission, évoquant une figure christique.

Selon l’historien de l’art britannique Kenneth Clark, c’est « la première grande toile qui peut être qualifiée de révolutionnaire dans tous les sens du terme : par son style, son sujet et son intention ».

FILES-FRANCE-GERMANY-ART-EXHIBITION-MUSEUM-DIX« La Guerre », Otto Dix (1932)

Beaucoup d’artistes partiront au combat pendant la Première Guerre Mondiale et attendront plusieurs années avant de représenter les atrocités de la guerre. Ce fut le cas de l’Allemand Otto Dix qui, traumatisé par l’horreur des tranchées, réalisera entre 1929 et 1932 son triptyque La Guerre, aujourd’hui conservé à Dresde. Corps mutilés, viscères exposés, scènes cauchemardesques…

Loin de tout réalisme, l’artiste « va réinvestir l’univers médiéval, celui des danses macabres et s’inspirer du retable d’Issenheim » (1515) représentant le Christ en croix et autres scènes bibliques, souligne Claire Maingon. Exposée une seule fois à Berlin en 1938, l’œuvre sera considérée comme appartenant à « l’art dégénéré » (par opposition à l’art officiel et patriotique voulu par les nazis), puis ensuite cachée pour éviter sa destruction…

FILES-ITALY-ART-PHOTOGRAPHY-LIFE MAGAZINE-EXHIBITION« Mort du soldat républicain », Capa (1936)

Début du XXe siècle : la photo supplante la peinture pour représenter la guerre. Elle conjugue immédiateté et qualité documentaire et donne même à voir « la mort en direct », comme le fameux cliché du soldat républicain pris par Robert Capa pendant la guerre d’Espagne (1936-39).

L’authenticité de cette photo, prise le 5 septembre 1936 et représentant un soldat fauché en plein combat, a été de multiples fois remise en cause, certains experts l’accusant d’être une mise en scène.

Comme Vietnam Napalm de Nick Ut en 1972, montrant la fuite éperdue d’un groupe d’enfants en détresse au Vietnam, dont une petite fille nue et brûlée au napalm, ces photos permettent de mettre un visage sur la guerre. Le cliché de Nick Ut fera la une du New York Times en juin 1972 et poussera l’opinion publique à demander le retrait des troupes américaines.

Le Quotidien/AFP