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Au Danemark, le baptême en libre-service


Au Danemark où l'Église, progressiste, a commencé à bénir les unions homosexuelles dès 1997 et autorise les mariages homosexuels depuis 2012, chaque membre adulte se doit de contribuer au financement du culte par l'impôt. (photo AP)

Pris d’une envie soudaine d’être baptisé mais réticent face à la perspective d’une préparation exigeante? L’Église du Danemark a la solution : ses paroisses organisent régulièrement des baptêmes en libre-service pour faire rentrer les brebis dans la bergerie dégarnie.

La procédure est assez simple : pour franchir le seuil d’une église qui organise un « baptême sans rendez-vous » – c’est le cas d’une paroisse par mois environ – il suffit d’être muni d’une pièce d’identité.

À l’issue d’une courte discussion avec un pasteur, vous pouvez être baptisé. La cérémonie dure quelques minutes à peine, puis vient l’heure de profiter de rafraîchissements offerts par la paroisse.

Papiers en règle et motivation au beau fixe, Ida Hauerberg Olesen s’est rendue par un vendredi printanier à l’église d’Hvidovre, dans la banlieue de Copenhague, avec sa mère comme témoin.

Quelques semaines auparavant, quand sa nièce lui a demandé d’être la marraine de sa fille, la jeune femme de 27 ans, dont les deux enfants ne sont pas baptisés, a décidé de franchir le pas.

Avant, « je n’étais pas Église-compatible », s’amuse-t-elle. « Je croyais que la religion était quelque chose d’étriqué et d’ennuyeux. Mais le pasteur que j’ai vu m’a montré autre chose », explique-t-elle, sans pour autant s’aventurer dans des explications théologiques.

« Le début du voyage » 

Pour Peter Skov-Jakobsen, le paterne évêque de Copenhague, le sacrement « est le début du voyage » dans la foi luthérienne des nouveaux chrétiens. Nul besoin de passer au peigne fin leurs connaissances bibliques ni de leur imposer une exhaustive préparation.

Il explique le relatif regain d’intérêt pour l’Église par une quête de spiritualité propre à l’époque contemporaine.

« Nous avons atteint un âge où les gens réalisent que l’existence ne se résume pas à ce que la science peut nous dire », avance-t-il dans son bureau lumineux du centre-ville de la capitale danoise.

Depuis les premières célébrations sans rendez-vous dans une église de Copenhague en 2017, plus de 600 personnes ont été baptisées.

Pas de quoi faire exploser le nombre de membres de l’Église évangélique luthérienne, l’église nationale au Danemark à laquelle 75% de la population appartient – plus par habitude que par foi – dans un pays de près de 5,8 millions d’habitants.

Dans les royaumes voisins de Norvège et de Suède, l’église protestante a également eu recours aux mêmes opérations.

2,4% de pratiquants 

Au Danemark où l’Église, progressiste, a commencé à bénir les unions homosexuelles dès 1997 et autorise les mariages homosexuels depuis 2012, chaque membre adulte se doit de contribuer au financement du culte par l’impôt.

Si seulement 2,4% des Danois fréquentent régulièrement une église, 64% se disent « chrétiens », indique Astrid Krabbe-Trolle, maître de conférences à l’université de Copenhague et spécialiste de la question religieuse.

Et en matière de foi, chrétienne ou non, 65% de la population danoise affirme croire en Dieu, relève-t-elle.

Selon la chercheuse, la démarche de l’Église permettant des baptêmes rapides et moins formels est avant tout un geste d’ouverture à l’égard de l’ensemble de la population.

« Ce que ça dit, c’est : ‘nous sommes une église pour tout le monde, vous pouvez venir et nous n’avons aucune autre attente envers vous que celle que vous soyez baptisé' », estime Mme Krabbe-Trolle.

Sauter le pas à 73 ans

Les motivations des nouveaux baptisés sont diverses et souvent prosaïques entre parents qui réparent un « oubli » en faisant baptiser leurs enfants, adolescents qui veulent se faire confirmer, malades ou urbains en quête de sens.

À 73 ans, John Ib Knudsen, « y a pensé pendant longtemps » avant de sauter le pas. « J’ai vu l’annonce dans le journal et je me suis dit qu’il était temps pour une renaissance », confie-t-il.

Après la cérémonie, il comptait aller « surprendre » sa mère nonagénaire, farouche anticléricale, en lui montrant son attestation de baptême.

Pour Jacob Kleofas Christensen, le pasteur qui a baptisé Ida, l’Église n’est pas complaisante en proposant cette cérémonie sans préalable mais répond à la soif du public de tradition et de rituels.

À Hvidvore ce jour-là, quatre pasteurs étaient mobilisés et 36 personnes ont été baptisées, plus du double de ce que la paroisse avait prévu.

Aucun opportunisme dans cette démarche, garantit l’évêque Peter Skov-Jakobsen. « Nous essayons d’être pertinent dans notre société », sourit-il. « L’Église protestante a toujours été un mouvement d’esprits libres ».

Dernièrement, un pasteur de son diocèse a proposé de bénir les divorces. « Dans un divorce, il y a de telles questions existentielles (…) qu’il est logique d’introduire un rituel », a-t-il défendu dans la presse locale.

AFP