Le récital « Rimbaud chante » est une incursion au plus proche de la langue du génial poète (1854-1891). Une manière de mieux «comprendre» cet érudit aux audaces verbales, à condition de l’écouter avec «un cœur neuf».
C’est sur invitation du Printemps des poètes – Luxembourg que le récital «Rimbaud chante» fait une escale au Grand-Duché, après une année de représentations de l’autre côté de la frontière. «Une grande première» pour le metteur en scène Régis de Martrin-Donos, tout heureux que ce projet se répande et se partage : «C’est un des rares spectacles qui me rendent toujours heureux, même après les répétitions. À chaque fois, ma journée est gagnée ! C’est un langage qui apporte énormément de lumière et de sourires…»
Pourtant, avant de redécouvrir les poèmes sublimes et la vie en transit de «l’homme aux semelles de vent», il en avait gardé, comme nous tous, une «vision floue», scolaire et parcellaire. Mais la rencontre avec Jean-Pierre Stora (connu pour sa collaboration avec le réalisateur Guy Gilles), compositeur qui a «toujours une longueur d’avance», va le remettre dans le bain. «Chez lui, je tombe sur un dossier intitulé sobrement Rimbaud. Il me dit qu’il avait créé dix musiques autour de son œuvre. Ça m’a emballé !»
Après quelques ajustements et d’autres créations mélodiques, «Rimbaud chante» voit le jour, compilation de treize poèmes lus par Gonzague Van Bervesselès et relevés au piano par Benjamin Pras. Une incursion au plus proche de la langue d’Arthur Rimbaud. Un spectacle qui n’a rien d’un «biopic», ni d’une «incarnation historique et véridique». Précision du metteur en scène : «Le but d’un récital n’est pas de raconter une histoire. C’est de partager !», chose qui est faite depuis un an, dans les caves et bars de l’Hexagone.
Voyage «métaphysique»
Mais pour que l’échange soit efficace, il convient de ne pas l’alourdir inutilement. «Ce récital est d’une facture simple», précise-t-il. Ainsi, l’approche est volontairement «chronologique et géographique» – on commence par la naissance du poète et ses premiers textes en latin (Ver Erat), sa vie à Charleville (Ma bohème, Roman, Première soirée…), son départ vers d’autres terres (Le Bateau ivre), jusqu’à la révolution de la prose (Une saison en enfer, Les Illuminations…).
Un voyage «métaphysique» qui emmène le public de la Belgique en Afrique, à la rencontre de Verlaine et à la découverte des longues correspondances du poète – qui servent de liant au spectacle – et dont Régis de Martrin-Donos s’est abreuvé jusqu’à plus soif. «Elles commencent avec un très haut niveau d’expression et langage. Ensuite, la majeure partie des lettres sont très factuelles. Il n’y a plus de littérature – ce qui n’est pas moins passionnant. Il retrouve sa plume la veille de sa mort, sur son lit d’hôpital à Marseille. Dans sa dictée, sa douleur, il retrouve verve et panache. Son langage.»
Ce périple littéraire, ode «au dérèglement de tous les sens», trouve dans les mélodies de Stora un bel équilibre. «Grâce à cette musique « accessible », on a le sentiment de redécouvir Rimbaud. Il est à portée de main. Pour le comprendre, il suffit donc de le chanter. De le lire et l’entendre avec un cœur neuf et des oreilles naïves.» Une poésie qui se livre et (re)devient familière.
Grégory Cimatti
Tarifs : 10 euros/réduit : 5 euros/Kulturpass : 1,50 euros