Connue pour ses sculptures suspendues, l’artiste écossaise autiste Nnena Kalu a remporté mardi soir la plus prestigieuse récompense britannique dans le domaine de l’art contemporain.
Nnena Kalu, 59 ans, atteinte d’un trouble limitant ses capacités de communication verbale, était notamment nommée au prix Turner pour son installation Hanging Sculpture 1-10, commandée pour un ancien site industriel à Barcelone. En le remportant, mardi soir, elle succède à une autre Écossaise, Jasleen Kaur, qui l’avait gagné en 2024 pour son exposition «Alter Altar».
Le jury du prix, créé en 1984 et qui récompense chaque année un artiste né ou vivant au Royaume-Uni, a salué son travail «audacieux et captivant« et loué «sa capacité à traduire avec vivacité un geste expressif en sculptures et dessins abstraits saisissants». Il a aussi souligné la «présence puissante qui se dégage de ses œuvres». Ces dernières, aux couleurs vives, réalisées dans différents matériaux dont du tissu recyclé, du film plastique et des bandes VHS, forment des structures faisant penser à des nids ou des cocons.
Cette victoire est «un moment important pour beaucoup de monde», et «brise un plafond de verre très tenace», a déclaré aux côtés de l’artiste Charlotte Hollinshead, membre de l’association britannique ActionSpace, qui travaille avec des artistes ayant des difficultés d’apprentissage. Nnena Kalu, née à Glasgow et qui vit aujourd’hui à Londres, «obtient enfin la reconnaissance qu’elle mérite amplement», a-t-elle ajouté, expliquant que lorsque son association a commencé à collaborer avec elle en 1999, «son travail n’était pas respecté, pas vu».
Questionner «les idées préconçues»
«La carrière de Nnena reflète le chemin long, et souvent frustrant, que nous avons parcouru ensemble (…) pour remettre en question les idées préconçues sur les artistes aux capacités différentes, et plus particulièrement ceux ayant des difficultés d’apprentissage», a-t-elle insisté. «Il ne s’agissait pas avant tout de vouloir décerner le prix à Nnena en tant que première artiste neurodivergente», mais «plutôt d’une réelle conviction quant à la qualité et à l’originalité de sa pratique, indissociable de son identité», a affirmé sur la BBC Alex Farquharson, directeur du musée Tate Britain et président du jury.
Avant l’annonce de sa victoire, l’organisateur avait indiqué que l’artiste écossaise était, à sa connaissance, la première artiste neurodivergente à être nominée à titre individuel pour le prix Turner. Un collectif d’artistes neurodivergents baptisé Project Art Works avait été finaliste en 2021.
Parmi les précédents lauréats du prix Turner figurent des noms désormais célèbres tels que le duo Gilbert et George, Anish Kapoor, Steve McQueen et Damien Hirst. Le prix était remis cette année à Bradford, dans le nord de l’Angleterre.
Pour cette édition 2025, les trois autres finalistes étaient l’artiste Britannique Rene Matic, l’Irakien Mohammed Sami et la Canado-Coréenne Zadie Xa. Rene Matic, artiste de 27 ans qui s’identifie comme non binaire, présentait des œuvres mêlant photographie intime, sons et objets, portant sur l’identité, le genre et la vulnérabilité. Mohammed Sami, artiste de 40 ans né à Bagdad, avait été sélectionné pour son exposition de peintures baptisée «After the storm», qui explore le thème de la guerre dans des allusions au conflit en Irak. La Canado-coréenne Zadie Xa, 41 ans, était nommée pour Moonlit Confessions Across Deep Sea Echoes, œuvre comportant un élément sonore inspiré du Salpuri, une danse d’exorcisme coréenne.
Le prix Turner est doté de 25 000 livres sterling (28 600 euros).