Accueil | Culture | [Art] L’art à bon compte

[Art] L’art à bon compte


Parmi la quarantaine d’œuvres de Paul de Pidoll entrées dans le domaine public, un autoportrait de l’artiste luxembourgeois. (photo mnaha)

Frida Kahlo, Henri Matisse, Colette et tant d’autres artistes sont concernés depuis le 1er janvier par l’expiration de leurs droits d’auteur. Dont deux Luxembourgeois, Jean Curot et Paul de Pidoll.

Nombreux sont les artistes de tous horizons à être tombés dans le domaine public au 1er janvier. Les peintures de l’icône mexicaine Frida Kahlo ou du chef de file du fauvisme, le Français Henri Matisse, les clichés du Hongrois Robert Capa, photographe de guerre et fondateur de l’agence photographique Magnum, ou encore les écrits de Colette (Claudine à l’école, Le Blé en herbe…) et de Vitaliano Brancati (Le Bel Antonio, Don Juan en Sicile…) sont ainsi concernés.

En Europe, le droit d’auteur arrive à expiration 70 ans après la mort de l’auteur, date après laquelle les œuvres de l’esprit deviennent donc libres de droit. C’est le cas cette année des œuvres et publications de créateurs qui, comme ceux cités ci-dessus, se sont éteints en 1954.

La liste est longue – et impressionnante. Avec ces artistes de premier plan, il convient de citer également le réalisateur Dziga Vertov, inventeur du «cinéma-vérité», mouvement théorique du cinéma soviétique nommé d’après une série de films d’actualité, mélangeant regard documentaire et esthétique expérimentale, réalisés entre 1922 et 1925.

Vertov, qui après sa mort a donné son nom à un collectif de cinéastes militants cofondé par Jean-Luc Godard, est aussi l’auteur d’un des premiers films d’animation soviétiques (Les Jouets soviétiques, 1924) et, surtout, de L’Homme à la caméra (1929), œuvre essentielle du cinéma d’avant-garde.

Autre pilier du 7e art à entrer dans le domaine public – et non des moindres –, Auguste Lumière, inventeur avec son frère, Louis (mort en 1948), du cinématographe. Les publications d’autres innovateurs du XXe siècle tels que le physicien italien Enrico Fermi (créateur du premier réacteur nucléaire) ou le mathématicien anglais Alan Turing (pionnier de l’intelligence artificielle), peuvent, elles aussi, être diffusées et reproduites librement.

Au MNAHA, 50 œuvres concernées

L’expiration du droit d’auteur est aussi l’occasion de redécouvrir des artistes oubliés dans l’histoire. C’est le cas de la dessinatrice de mode, costumière et peintre française Dartey, de l’architecte instigateur des constructions en béton armé Auguste Perret, de l’icône du manga d’après-guerre Eiichi Fukui, du compositeur allemand Wilhelm Furtwängler ou du sculpteur Henri Laurens.

De ce dernier, le Nationalmusée um Fëschmaart (MNAHA) possède dans sa collection un nu féminin, sculpté dans le bois et sous l’influence à la fois de Rodin et du cubisme. Le sculpteur français, à qui l’on doit aussi nombre de peintures, illustrations et gravures, fait ainsi partie de ces artistes nichés dans la collection du musée national d’Archéologie, d’Histoire et d’Art désormais concernés par l’application du domaine public.

Ils sont six pour une cinquantaine d’œuvres concernées cette année, indique le musée, qui ne possède pas de Matisse, mais qui compte parmi ses possessions des œuvres d’un autre des fondateurs du fauvisme tombé dans le domaine public au 1er janvier, André Derain.

Buffet Art déco et gravures

Ils sont deux artistes luxembourgeois à ne plus être protégés par le droit d’auteur. À commencer par Jean Curot (1882-1954) : sculpteur, peintre et designer, il fut l’un des tout premiers récipiendaires du prix Grand-Duc Adolphe pour ses peintures (en 1907), membre du Cercle artistique de Luxembourg et professeur à l’École nationale des métiers d’art.

Parmi ses nombreuses réalisations, Jean Curot a notamment conçu l’entrée du pavillon luxembourgeois pour l’exposition universelle de 1925 à Paris; pour cette même occasion, il dessine un buffet Art déco devenu célèbre, intégré à la collection du MNAHA depuis 2012 et aujourd’hui visible dans l’exposition permanente du musée.

Dans l’espace public luxembourgeois, on connaît surtout de Jean Curot le monument en l’honneur du poète Michel Rodange, conçu en 1932 et qui a retrouvé son emplacement de la place Guillaume-II en juin dernier après deux ans de restauration.

À l’instar de Jean Curot, Paul de Pidoll (1882-1954) était au début du XXe siècle l’un des rares artistes dits «professionnels» au Grand-Duché, alors qu’il faudra encore plusieurs décennies aux artistes nationaux pour s’établir en tant que tels sur leur territoire. Et comme Curot, celui qui se fit un nom comme graveur a partagé son temps et son art entre Luxembourg et Paris, en réalisant notamment des illustrations pour des ouvrages de luxe (Le Spleen de Paris de Baudelaire, Hélène de Paul Bourget…).

Au MNAHA, ce sont 39 œuvres de Paul de Pidoll, majoritairement des natures mortes et des portraits peints ou dessinés au crayon, qui entrent dans le domaine public. Mais aussi des bustes sculptés et une série d’estampes, splendides, qui représentent des scènes de nature, certaines fantasmées ou fantastiques, mais représentant toujours un paysage luxembourgeois.