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[Art] Face à face avec Gustave Courbet


(photo AFP)

À Paris, au musée d’Orsay, Le Désespéré, chef-d’œuvre «halluciné» du peintre français, s’expose pour la première fois en France depuis presque vingt ans. Un évènement permis grâce à un prêt… du Qatar.

Le musée d’Orsay expose Le Désespéré, célèbre autoportrait de Gustave Courbet qui n’a pas été montré au public français depuis près de vingt ans, précise l’établissement parisien. Représentant le peintre, ce chef-d’œuvre daté de 1844-1845 est prêté à Orsay, pour une durée d’au moins cinq ans, par Qatar Museums, l’organisme de développement des musées de l’émirat qui en a fait l’acquisition auprès d’un propriétaire privé pour un montant inconnu.

Mondialement connue mais très rarement exposée, cette huile sur toile de petit format n’a pas été montrée au public français depuis 2007-2008 lors de la rétrospective consacrée à ce maître du réalisme (1819-1877) à Paris, puis à New York.

Son histoire? Entre 1842 et 1855, Gustave Courbet exécute une vingtaine d’autoportraits peints ou dessinés. L’artiste s’adonne à des mises en scène variées, souvent héritées de la tradition romantique, trahissant à la fois une affirmation de soi et une recherche d’identité. Cet autoportrait est assurément le plus singulier et le plus mystérieux.

Le peintre s’y représente en tenue d’artiste bohème (blouse blanche et foulard), yeux écarquillés, bouche entrouverte, les mains agrippées à sa chevelure. Le cadrage serré et l’éclairage violent contribuent à la tension dramatique de l’œuvre augmentée par le fait que l’émotion du modèle est provoquée par quelque chose qui se situe en dehors du cadre de la scène.

Participation à la Commune de Paris

«Le Désespéré est unique dans la production d’autoportraits de Courbet, parce que c’est le plus halluciné, et c’est le plus fort en termes d’expression des émotions, des sentiments», explique Paul Perrin, conservateur en chef d’Orsay, à propos du faciès de l’artiste, défiguré par l’effroi, la peur ou la folie, enserré dans un clair-obscur bluffant.

«C’est une démonstration de maîtrise picturale», commente Paul Perrin. Avant la grande exposition internationale de 2007-2008, ce tableau peint par Gustave Courbet alors qu’il n’avait que 25 ans n’avait pas été exposé depuis la fin des années 1970, précise le musée d’Orsay, qui compte dans ses collections une trentaine de toiles du peintre français, dont Un enterrement à Ornans.

Comme d’autres toiles du peintre, Le Désespéré, aussi appelé Autoportrait de l’artiste ou Désespoir – qu’il a conservée avec lui jusqu’à sa mort en 1877 – n’a jamais fait partie des collections publiques françaises et a longtemps été entre les mains de propriétaires privés. Le père de la psychanalyse française, Jacques Lacan, a ainsi possédé L’Origine du monde, autre chef-d’œuvre de Courbet, qui a rejoint les collections du musée d’Orsay en 1995 (montré au centre Pompidou-Metz).

L’éparpillement de l’œuvre de l’artiste tient beaucoup à ses péripéties judiciaires et politiques. Condamné en France pour sa participation au soulèvement de la Commune de Paris de 1871, Gustave Courbet s’était ainsi exilé en Suisse pour échapper à la prison et avait dû vendre ses toiles pour payer la lourde pénalité infligée par la justice.

«Dépasser les murs» des institutions

Au moment de la grande rétrospective de 2007-2008, Le Désespéré était la propriété de particuliers et BNP Paribas en a facilité le prêt, a précisé une source proche du dossier. Les Qatariens en ont fait ensuite l’acquisition dans l’optique de l’exposer dans leur futur musée d’art contemporain et moderne, l’Art Mill Museum de Doha, dont la construction doit être achevée à l’horizon 2030. Côté français, Sylvain Amic, nommé à la tête d’Orsay en 2024 et éminent spécialiste du peintre, a été le grand artisan de la convention de prêt de cette œuvre, signée en avril dernier avec la présidente de Qatar Museums, Sheykha Al-Mayassa bint Hamad bin Khalifa Al Thani.

Mais son décès brutal, survenu fin août, l’aura empêché de voir ce prêt se concrétiser. «Il était vraiment enthousiaste à l’idée de rendre à nouveau accessible cette œuvre à nos visiteurs», a déclaré Julia Beurton, administratrice générale de l’Établissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie.

D’une certaine façon, «on honore aujourd’hui sa mémoire en dévoilant Le Désespéré, avec la fierté de savoir que cette œuvre voyagera régulièrement entre Doha et Paris, et également avec la conviction que son héritage inspirera les futures générations de directeurs et conservateurs à concevoir la culture comme une force qui dépasse les murs de leurs institutions», indique Sheykha Al-Mayassa bint Hamad bin Khalifa Al Thani, dans un communiqué.

 

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