Le festival de Cannes s’est offert un coup de jeune pour sa première édition depuis le début de la pandémie, en décernant la Palme d’or à une réalisatrice transgressive de 37 ans, Julia Ducournau, au terme d’une édition haute en couleur.
Les larmes de la lauréate, la gaffe de Spike Lee, l’absence de Léa Seydoux… Voici les images fortes qui resteront, avant le retour du plus grand festival du monde, si tout va bien, en mai 2022.
Titane : du sang et de l’huile
« Merci aussi au jury de laisser entrer les monstres », a déclaré, en larmes, la réalisatrice en montant sur la scène du Palais des festivals. La violence était déjà très présente dans la Palme d’or précédente, Parasites, mais Titane, le film primé, fait clairement déborder le niveau d’hémoglobine. Le sacre d’un film interdit aux moins de 16 ans, aussi fiévreux que radical, difficilement regardable pour certains, risque de diviser.
Ce film furieux et parfois gore avec l’acteur français Vincent Lindon, évoque à la fois l’hybridation femme/machine, d’amour pour les voitures et de quête de paternité.
L’héroïne fait littéralement l’amour avec des voitures, hommage à Crash de David Cronenberg, et tue des hommes, façon Sharon Stone dans Basic Instinct, mais au pic à cheveux. Son corps est comme hanté par une masse de métal qui grandit dans son ventre tandis qu’elle sue et saigne de l’huile de moteur.
Féminité, virilité, fluidité
Quatre ans après l’affaire Weinstein et l’explosion du mouvement #MeToo, les questions de genre, de leur représentation et de la place des femmes ont été au coeur du Festival. Évidemment au palmarès, avec la Palme d’or remportée par la benjamine de la compétition, une première depuis Jane Campion, l’unique femme couronnée jusqu’à présent pour La Leçon de Piano, il y a 28 ans.
Ces sujets ont infusé plus largement, en compétition et ailleurs. Du Norvégien Trier au Néerlandais Paul Verhoeven en passant par le Tchadien Mahamat-Saleh Haroun, les réalisateurs hommes, eux aussi, ont exploré l’intimité de leurs héroïnes, à travers des rôles très forts.
« Le geste fort (du délégué général) Thierry Frémaux a été de choisir un jury jeune, féminin et inclusif », a commenté Iris Brey, spécialiste du « regard féminin » au cinéma, qui salue le choix pour la Palme d’un film « extrêmement novateur et désobéissant ».
Ce prix, qui a « quelque chose de très contemporain », « donne le signal que l’on va vers un monde plus inclusif », et « montre qu’il y a aussi des héroïnes qui ne sont pas lisses, qui ne correspondent pas aux canons que l’on attend ». Mais il reste encore du chemin à faire : cette année, seules quatre réalisatrices, sur 24 films, étaient en compétition.
La gaffe du président Spike Lee
C’était la gaffe à ne pas faire. Le président du jury Spike Lee, s’est emmêlé les pinceaux et a annoncé le nom de la lauréate de la Palme d’or dès le début de la soirée, au lieu du prix d’interprétation masculine. La pauvre Julia Ducournau, submergée d’émotion, a ensuite dû patienter toute la cérémonie pour monter sur scène.
En conférence de presse, Spike Lee s’est confondu en excuses : « Je suis comme celui qui rate le but (…) je suis désolé… qu’ils oublient Spike Lee ! », a-t-il lancé à l’adresse de l’équipe du film.
Des stars mais pas Seydoux
Tenir un festival international malgré le covid : avec pass sanitaire, masque en projections et rappels à l’ordre réguliers le pari est gagné, et l’évènement n’a pas créé de cluster.
Une star aura cependant été empêchée à cause du virus : Léa Seydoux qui aurait dû vivre son moment de gloire en étant au casting de quatre films du festival, dont trois dans la compétition officielle, notamment The French Dispatch de Wes Anderson.
Mais elle n’a finalement pas pu monter les marches ni se rendre à Cannes, devant se plier aux règles sanitaires strictes du Festival après avoir été testée positive au Covid-19.
Comble de la déveine, l’actrice de 36 ans, est repartie bredouille du palmarès, le prix d’interprétation féminine revenant à une autre trentenaire, la Norvégienne Renate Reinsve.
AFP/LQ
Krank Gesellschaft……….